Festival Santa Teresa 2024 jour 2 : Grand Eugène, Comment Debord, Bibi Club, Daniel Bélanger, Olivia Khoury et Soleil Launière
En ce second dimanche de mai et dernière journée de la présente édition du Festival Santa Teresa, des artistes émergents comme d’autres, bien établis, se sont succédé sur les diverses scènes extérieures et intérieures de ce qui se sera avéré être un autre succès. Daniel Bélanger était certes l’artiste le plus attendu, mais il y a tout à dire sur la richesse des autres fruits qui ont composé l’arbre.
Photos par Aja Palmer
Grand Eugène
Dirigé par les compositions de Jérémy Lachance, Grand Eugène revenait de France pour nous présenter un spectacle intimiste et dansant dans la cour du village de Sainte-Thérèse. La chanteuse Melyssa Lemieux en avait long à dire sur ce qui s’en venait pour sa bande, annonçant notamment la sortie d’un prochain EP sous peu, soit le 14 juin. Le quintette en a d’ailleurs profité pour y glisser des nouveautés, en plus de leur récente collaboration Fait du sens avec le musicien Niall Mutter, lequel occupait la position de batteur dans le présent spectacle.
En musique maintenant, on peut dire que 17h sous le soleil est un parfait moment pour les voir. L’alliage rock-pop rêveur et sensuel donne envie de se bercer comme de se dandiner ; c’est doux par moment alors qu’à d’autres une énergie radiante parcourt le rythme. L’intérêt de leurs compositions réside ainsi dans la croisée de ce parfait dosage où tous les instruments, c’est-à-dire les synthés atmosphériques de Nassim Dib-Mudie, la basse groovy de Greg Tremblay-Meadors, les percussions de Mutter et de Lemieux, existent à parts égales de la voix de la chanteuse et des riffs de guitare de Lachance. N’empêche que tout le monde a eu son moment solo. On ne se dira jamais assez à quel point leur premier EP homonyme est rafraîchissant, puis de mon côté, à l’écoute des plus récentes notes composées par le groupe, j’ose avancer que leur aventure n’est pas qu’une brise dans les voiles de la musique.
Comment Debord
C’est en naviguant au travers de leurs deux albums, comment debord et monde autour, que le septuor comment debord a fait chanter et danser une foule qui semblait très bien connaître les paroles, ce qui aura créé une vague d’autant plus intéressante à surfer. Leur folk rock blues très 70’s inspire par la chaleur de la cohésion de leurs membres, la simplicité et la relativité de leurs textes et la richesse de leurs mélodies. Même si Rémi Gauvin s’affiche comme le chanteur principal, tous les membres chantent, voire que plusieurs d’entre eux ont leur propre chanson. Ce fut le cas dans ce spectacle alors que Karolane Carbonneau, Étienne Dextraze-Monast, Willis Pride et Alex Guimond ont eu leur moment.
Dans ce spectacle, on retient notamment l’omniprésence des percussions et du chœur, lesquels ajoutent une indéniable profondeur aux chansons. Parmi les pièces jouées, on retrouve quelques-unes de leurs populaires comme blood pareil, veux veux pas, Chalet et Ville fantombe, mais aussi l’excellente faites-moi penser. On a même eu le droit à une version plus rythmée de Les moments parfaits de Jean Leloup.
Bibi Club
C’est sans surprises que le duo Bibi Club, composé de la chanteuse et percussionniste Adèle Trottier-Rivard et du guitariste Nicolas Basque, a joué plusieurs chansons de leur tout récent opus Feu de garde. Ils ont d’ailleurs incarné ce nouveau projet avec panache, démontrant leur plaisir de se défouler au travers de leurs compositions et arrangements dynamiques et bien texturés. Ce qu’on aime de leur tourbillon rock minimaliste aux touches shoegaze et power-pop, c’est qu’il se veut théâtral en même temps d’être subtil. La voix feutrée et soyeuse de Adèle Trottier-Rivard est un réconfort alors que la magie s’opère dans les effets brillants des synthétiseurs et percussions tout comme dans tous les riffs planants et disjonctés de Nicolas Basque. On salue les côtés groovy et les paroles exprimées clairement dans ce voyage aux tendances atmosphériques. Parc de Beauvoir, Shloshlo, Le feu et L’île aux bleuets ont notamment retenu l’attention.
Daniel Bélanger
Chaque fois que Daniel Bélanger monte sur scène, c’est comme si le temps s’arrêtait. On le sait, le poète, musicien et grand farceur nous saisit dès qu’il ouvre la bouche. Ce fut encore le cas cette fois-ci, quoique sa voix était plutôt affectée par un rhume. On peut dire que sa performance en aura subi les foudres, mais, on le sait, il y a toujours des moyens de s’arranger et c’est ce que Bélanger a fait. Du côté de l’ensemble rythmique composé de quelques excellents musiciens, c’est-à-dire Philippe Brault à la basse, José Major à la batterie, Jérôme Beaulieu aux claviers synthétiseurs et Guillaume Doiron aux guitares, tout s’harmonisait, transitionnait, se juxtaposait sans failles. Oui, bien sûr, Daniel Bélanger, même s’il a commencé sans instrument, a passé la quasi-entièreté du spectacle avec une guitare ou une autre. Les arrangements se sont avérés un pur délice alors que les musiciens se sont permis des débordements ou des réarrangements de leurs compositions telles qu’on les connaît.
Lorsque je dis que Daniel Bélanger s’est arrangé, ça signifie qu’il a fait d’autant plus appel au public, qu’il a sans doute mis un peu plus d’aplomb au niveau instrumental, qu’il a joué certains morceaux plus doucement. Mais au final, rhume pas rhume, c’est une performance qu’on retient par son côté familier et son indéniable accessibilité, par ses grands classiques et ses visuels qui font rêver mieux et ses mélodies qui partent dans tous les sens. La création d’une atmosphère, d’une ambiance personnelle et particulièrement intéressante, est ce qui charme le public qui vibre, qu’importe que ce soit lorsque Bélanger siffle comme un oiseau ou qu’il fredonne ou encore lorsqu’il chante comme s’il parlait à quelqu’un. Le côté art rock à la Radiohead se tapisse avec élégance, tout en conservant les sonorités galactiques du musicien québécois. Le côté bluesy, le fait de jouer avec l’écho dans la voix et l’apport rock électro est une couche supplémentaire de ce que l’on peut y retenir. Bon repos, Daniel!
Chapelle l’Urlu
C’est dans la petite chapelle l’Urlu qu’avait lieu les deux dernières représentations de la soirée. De mon côté, je dirais que d’avoir été assis confortablement pendant ces moments doux et spirituels m’ont permis d’élargir mes poumons. Merci à Olivia Khoury et Soleil Launière ainsi qu’à leurs musiciens.
Olivia Khoury
Ce spectacle se voyait spécial puisqu’il s’agissait du dernier de leur tournée en lien avec leur premier EP Portraits paru il y a un peu plus d’un an. C’est d’ailleurs au travers de ce dernier et de nouveautés que Olivia Khoury et ses acolytes se sont brillamment livrés à nous avec leur son folk jazz soul R&B. L’ensemble brillait sur la petite scène, les mélodies étaient à la fois rythmées et flottantes, tout comme cet espace que Khoury parvient à créer avec sa voix satinée. Ça fait autant penser à Patrick Watson qu’à Robert Glasper qu’à This is the Kit, qu’à bien des affaires hyper pertinentes.
Soleil Launière
Au moment où vous lisez ces lignes, Soleil Launière se prépare sans doute à la performance qu’elle devra livrer ce soir dans le cadre de la finale des Francouvertes 2024. Qu’importe le résultat, on peut affirmer qu’avec la performance d’hier, l’artiste innu gagne les tympans avec un son qui, sans sonner cliché, se rapproche d’un rituel, duquel on a envie de faire part à bras ouverts sachant que Launière se donne le pouvoir de briser les frontières. Le fait de chanter dans sa langue, qu’elle dit cassée, voire inexacte, puis en français et en anglais, s’arrime d’ailleurs à cette volonté. Le tout est une vibrante et harmonieuse sensation de tergiverser dans plusieurs univers, de fermer les yeux et d’imaginer un moment plus en cohésion. Parmi les textures employées, on dénote la voix de la poétesse Joséphine Bacon, laquelle apporte une dimension tantôt énigmatique, tantôt prophétique, voire porteuse de sens. Elle se retrouve d’ailleurs sur l’album Taueu. C’est d’ailleurs plusieurs chansons de ce long jeu qu’on a entendues. Ce que l’on retient le plus, c’est sa prestance sur scène, laquelle se veut théâtrale comme plusieurs éléments de sa musique. Elle se sert de sa voix comme d’un instrument capable de répertorier divers sons, lesquels s’ajoutent à sa voix qui déjà nous transporte.
Un gros merci au festival pour l’accueil et cette riche programmation!
Crédit photo: Aja Palmer