
Lady Gaga
MAYHEM
- Interscope Records
- 2025
- 53 minutes
Nous sommes en 2009. Aux États-Unis, au milieu d’une économie en pleine récession, le terme « récession pop » émerge dans le jargon populaire, définissant un type de musique pop pleine de joie et d’urgence de vivre face à une éventuelle apocalypse. Parmi cette mouvance, Lady Gaga nous livre The Fame Monster, album pop iconique de son époque, rempli de morceaux propulsifs, parfait pour se défouler et crier nos tripes sur la piste de danse. Maintenant, nous sommes en 2025. Nous sommes en pleine guerre économique avec nos voisins du Sud, l’extrême droite est en hausse un peu partout dans le monde et, par le fait même, la pop hédonistique et maximaliste est progressivement de retour sur la scène mainstream. Fidèle à elle-même, Lady Gaga se met de la partie et s’en donne à cœur joie avec son nouvel album, MAYHEM. Les parallèles sont trop beaux pour être vrais.
L’album commence sur les chapeaux de roues, et pas à peu près. Disease, Abracadabra (qui est pour moi un des meilleurs simples de ce début d’année) et Garden of Eden, trois chansons dark-pop, coup sur coup, qui nous rappellent les beaux jours de la Mother Monster. Excentrique et bruyant comme tout, voilà ce qui saura rassasier les fans de Gaga de la première heure. Dans une continuité impeccable, Perfect Celebrity renchérit avec une guitare électrique épaisse qui déclenche un refrain en apothéose comme on n’en faisait plus. Cette sensation de catharsis que j’aime tant dans ma pop, Lady Gaga sait parfaitement y répondre.
Mais comme le dit le titre de l’album, MAYHEM, ça ne sera pas pareil à tout coup. En effet, au-delà des évidentes références aux succès du passé tels que Bad Romance et Telephone, on se rend compte que ce projet se veut également un hommage à la musique des années 80, de manière honorifique et juste. Par exemple, Killah, en collaboration avec le producteur français Gesaffelstein, se veut grandement influencé par Prince, et ce n’est certainement pas pour me déplaire. D’autres morceaux comme Zombieboy et Lovedrug trouvent le parfait équilibre entre tradition et modernité, un mélange que Lady Gaga sait manipuler depuis longtemps, car elle a la clé : cette habileté de rendre la pop intemporelle et universelle. Et ça, peu en sont capables. Et pourtant, parfois, cela ne va pas toujours atteindre sa cible. How Bad Do U Want Me est sympathique, mais rappelle les productions convenues de Jack Antonoff sur les derniers albums de Taylor Swift. Encore une fois, c’est à la mode, mais c’est résolument un des moments les moins marquants. Heureusement, la machine repart avec Don’t Call Tonight, hommage au disco comme on pouvait en retrouver sur le Future Nostalgia de Dua Lipa.
Plus loin, les hommages à certaines légendes de l’époque sont également mis en valeur. Shadow of a Man, par exemple, emprunte ÉNORMÉMENT à l’univers de Michael Jackson, sans pour autant que le morceau soit un pastiche bancal. Au contraire, le morceau est très accrocheur et Lady Gaga sait user de sa voix puissante pour y infuser beaucoup de cœur. D’ailleurs, cette voix, elle s’en sert à bon escient tout autour de MAYHEM, particulièrement sur les ballades du disque. Blade of Grass, par exemple, témoigne de sa capacité à transmettre des émotions fortes. Même pour ceux qui sont moins réceptifs aux ballades de power pop (ce qui est mon cas), on ne peut rester insensible à la puissance du chant, à l’instar des Adele de ce monde.
Avec MAYHEM, les fans s’attendaient à un album de pop sombre de bout en bout, mais en fait, cet album décide de nous prendre dans un détour avec un cycle de promotion axé autour de l’étrangeté de l’artiste, pour ensuite nous mener là où on ne l’attend pas. Osé, certes, mais surtout profondément authentique : Lady Gaga refuse de se limiter à un simple carcan et, après des années de carrière dans cette industrie, au-delà de faire de la musique qu’elle aime, elle est heureuse en le faisant. Que demander de mieux?