
Marie Davidson
City of Clowns
- Because Music / Deewee
- 2025
- 48 minutes
La productrice, chanteuse et DJ aux chansons aussi accrocheuses qu’inquiétantes, vient de livrer son album City of Clowns. Marie Davidson amène sa science à la cité. Un album qui pourrait sembler futuriste; à parler de saisies de données personnelles, de crétins virtuels ou de santé mentale sur fond de techno saccadée, mais non, on est résolument aujourd’hui.
Les trames crues, les textes, l’interprétation vocale, tout comme ses DJ sets, ont été perfectionnés et répétés avec minutie. Validations Weight nous accueille dans cet univers ténébreux, comme si on arrivait d’un long vol, à observer par les fenêtres un paysage urbain métallique et froid, sur un lent tapis roulant d’aéroport. Par chance, la voix de Marie Davidson nous guide, avec les narrations et descriptions qui la caractérisent, qu’on pourrait même qualifier de directives. Une guide particulière pour cet étrange voyage. Avec sa voix aux effets parfois dignes des annonces publiques de Total Recall et Blade Runner, elle chante ou narre partout. Le tout entrecoupé de morceaux plus instrumentaux, bien répartis au fil de l’album (Statistical Modelling et Unknowing, avec son intro incroyable où Davidson démontre l’ampleur de son talent. Et sa propension à cultiver l’inaccessibilité. « You will never catch me ».
Marie et ses machines prennent peu de pauses. Elle les synchronise, les combine, additionne leurs sons, les modifie et les mixe, tout s’enchaîne parfaitement, sur presque 48 minutes. « I do what I do and I do it well ». Ses histoires prennent toute l’attention cérébrale quand on en écoute les propos, en tentant d’interpréter ce que l’on croit y déceler. Idéales pour les cerveaux dansants. Parce qu’on y trouve autant de longues descriptions (Sexy Clown), que de simples titres répétés jusqu’à la transe (Contrarian, particulièrement excellente avec son agile mix de beats 90s / début 2000). Jusque dans ses pièces plus instrumentales, aux plus rares commentaires, échantillonnés et parlés.
Techno plus ou moins hard ou industrielle, plus ou moins sombre, des éléments rappellent les méthodes de Depeche Mode (Fun times), Gainsbourg électronique (le tempo et les cris nus de Demolition, semblables à Love on the Beat), même une parenté avec Doja Cat et Paint the Town Red dans le débit et l’attitude rebelle de Push Me Fuckhead.
6e album studio et premier album complet depuis L’œil nu (2020), City of clowns a été composé, réalisé et produit avec Pierre Guerineau, également avec Stephen et David Dewaele, connus sous le nom de Soulwax. Duo qui clôt City Of Clowns avec sa propre version de la pièce Y.A.A.M., sortie au début 2024, en même temps que la version originale en fait, aperçus des choses à venir. Un album en crescendo, qui atteint éventuellement la vitesse lumière avec Contrarian, à mentionner encore et encore.
Qu’elle s’invite ou soit invitée à quelque endroit dans le monde, son mystérieux et étonnamment humble magnétisme ainsi que son dévouement pour le live imposent un respect admiratif contagieux. Bien au-delà du simple party. Comme elle dit dans Y.A.A.M., « All your asses on the floor / All your asses are mine ». Prémonitoire de ses DJ sets du futur.
Une directive à laquelle obéir aveuglément.