7 août 2023
Par Louis-Philippe Labrèche
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Osheaga 2023 | Jour 3 : Kendrick Lamar, Saint Levant, Milk & Bone, TOBi, Julia Jacklin, Foals et plus!

Dernière journée d’Osheaga 2023, une journée qui manquait un peu de fil conducteur avant d’arriver à la grande finale tant attendue : Kendrick Lamar.

Photos par Alexanne Brisson

Et Lamar n’a pas déçu. On y reviendra, mais c’est l’un des concerts les plus conceptuels et proches de l’art contemporain qui m’a été donné de voir à Osheaga. Mais ma journée a commencé du côté des scènes de la vallée et verte qui avait reçu leur lot de commentaires au cours des deux derniers jours en raison de la boue assez dégueulasse, soyons honnêtes, qui couvraient le sol. Les équipes du festival ont tout essayé pour régler le problème et hier, après une journée sans pluie, le sol avait enfin séché presque partout. De plus, Osheaga a aussi adapté sa stratégie de jet d’eau pour qu’ils soient un peu plus lents et qu’on ait le temps de se tasser si on n’avait pas envie de malencontreusement participer à un concours de wet t-shirt. Pour pallier à tout ça, les gardes de sécurité arpentaient les espaces entre les deux scènes avec des bouteilles d’eau qui sortaient du frigo pour s’assurer que tout le monde se gardait hydraté. Cela n’a pas empêché certains festivaliers de tomber au combat, mais encore là, la réponse était immédiate et sans équivoque, la santé des gens est plus importante que la musique. Je lève mon chapeau au travail des équipes de sécurité et des brigades santé de la fin de semaine.

Revenons à la musique, où sur la scène verte et de la vallée se sont enchaînés des groupes qui offrent des propositions fort différentes au cours de la journée. Ça manquait un peu de fil conducteur, surtout quand on savait ce qui jouait de l’autre côté aux grosses scènes. Il y a eu aussi l’annulation de Mariah the Scientist qui a été remplacée par Lili-Ann Francesco. C’était un drôle de choix. D’ailleurs, ça s’est vidé pendant son concert. La pauvre jeune autrice-compositrice-interprète n’a pas encore d’album de sortie, c’était peut-être précoce de l’envoyer là. À peu près au même moment, il y avait Pelada qui jouait sur la scène Sirius XM, la plus petite du festival. J’aurais pris les bêtes de scènes qu’est le groupe avant Francesco. Malgré tout, j’ai passé une bonne journée qui s’est entamée sur la fin du concert de TOBi.

TOBi

Le rappeur ontarien était en pleine maitrise de la foule lorsque je suis arrivé à la scène de la vallée. Il m’a convaincu avec sa livraison impeccable alors qu’il était accompagné sur scène d’un DJ et d’un saxophoniste. Il a terminé sa prestation avec une nouvelle chanson qu’il n’avait pas encore jouée en public : Someone I Knew. Encore une fois, ça fonctionnait très bien.

Milk & Bone

Ça faisait un bail que je n’avais pas vu le duo en spectacle. On s’entend, nous avons couvert les deux autrices-compositrices-interprètes, mais ce n’était pas moi. Camille Poliquin et Laurence Lafond-Beaulne étaient en grande forme, bien que la seconde portait une botte orthopédique, pour présenter les pièces de leur répertoire qui commence à avoir une bonne envergure avec ses trois albums, dont le plus récent, Chrysalism, est paru en 2022. Le duo a offert une bien bonne performance, bien qu’elles aient été un peu baveuses de commencer le tout avec Pressure : « You’re like good water pressure / In a cold rainy summer »; il n’y avait rien de cold hier alors qu’on cuisait tranquillement sous le soleil d’août.

C’est le fun de voir qu’après ces années, la chimie et le plaisir que partagent Poliquin et Lafond-Beaulne sur scène sont intacts. C’est vraiment émouvant de les voir se sourire quand elles font un bon coup musical ou une bonne harmonie. D’ailleurs, la foule était plutôt nombreuse au rendez-vous pour ce concert de Milk & Bone.

Saint Levant

J’ai bien aimé l’EP From Gaza, With Love paru un peu plus tôt cette année. Cet homme possède des racines plus que complexes — une mère franco-algérienne et un père palestino-serbe — qui a grandi dans la bande de Gaza avant que la famille s’exile en Jordanie avant qu’il n’entame des études en Californie et éventuellement se lance une carrière musicale internationale. Ce bagage fait qu’il chante et rappe en français, en anglais et en arabe. La foule a répondu présente à son invitation et les hanches se sont rapidement dérouillées sur les rythmes hybrides que proposait son groupe.

S’il est toujours au début de son aventure musicale, Saint Levant a déjà tous les outils pour que ça fonctionne, à commencer par une présence ensorcelante sur scène. Il charme le public aisément avec son énergie contagieuse et la scène verte s’est laissée emporter par les pièces de son EP. Il a aussi un bon sens de l’humour, alors qu’au début de son concert, il demande en anglais : « est-ce que des gens parlent arabe ici? (réaction de la foule). C’est correct de se sentir exclu une fois de temps en temps. » Autrement dit, les autres, ben coudonc, vous comprenez comment je me sens la plupart du temps dans la vie. Il fera à nouveau la boutade avec le français plus tard dans son set et dira en anglais : c’est correct d’être exclu une fois dans sa vie. » Un artiste à surveiller au cours des deux ou trois prochaines années. Vous l’aurez lu ici.

Armani White

Celui qui est devenu la coqueluche des médias québécois après qu’il ait chanté sur scène avec Billie Eilish la veille avait aussi son propre concert à l’horaire d’Osheaga. Encore une fois, une foule acceptable était au rendez-vous. Au cours de son concert, il a lancé des jujubes dans le public parce que… why not? Après tout, ce n’est pas juste aux artistes de profiter des douceurs qu’offrent les coulisses d’Osheaga. Le rappeur a offert une prestation convaincante, même s’il manque encore un peu de substance dans ses créations. Il a bien sûr terminé le tout avec sa chanson Billie Eilish qui lui a permis de fouler la scène de la rivière la veille.

Julia Jacklin

Ça s’est un peu vidé pour Julia Jacklin, ce qui est triste, mais bon, c’est la qualité et non la quantité qui compte hein? Et pour la qualité, la foule qui était au pied de la chanteuse australienne connaissait bien l’œuvre de celle-ci. Après un début de concert plutôt mollo, les choses se sont emportées à partir de l’excellente Lydia Wears a Cross qu’elle a suivi de I Was Neon, Head Alone, Love, Try Not to Let Go et Pressure to Party. C’était aussi un concert en sol natal pour Laurie Torres, la batteuse du groupe qui est montréalaise et qui fêtait aussi sa fête hier : bonne fête!

Foals

On remarque vraiment le clivage dans la discographie du groupe en concert. Les nouvelles pièces des derniers albums n’ont pas la même fougue que ce qui se trouvait sur les albums Holy Fire et What Went Down. Ce qui fait que le concert était plutôt mollo au début, même si le groupe y a glissé l’excellent et dansante My Number. Mais c’est vraiment avec Inhaler et What Went Down que le party a levé. Soudainement, ça avait des allures de groupe quasi-métal avec des riffs lourds et appliqués. J’aurais pris 45 minutes de ça.

Japanese Breakfast

Voulant m’assurer d’avoir ~~une bonne place~~ une place acceptable pour Kendrick Lamar, je ne suis resté que trois chansons, mais comme si Michelle le savait, elle m’a joué Be Sweet en deuxième. Merci, c’est une belle attention. Entre les coups de gong et ses mélodies convaincantes, Japanese Breakfast était bien partie lorsque j’ai décidé de traverser de l’autre côté.

Fred Again…

Je suis arrivé alors que le concert de Fred Again… était bien entamé. Celui-ci offre une électro-pop qui traine dans l’EDM, mais avec une attention poussée pour les textures sonores. C’était sympathique même si ce n’est pas ma tasse de thé. Un peu comme la veille, je me suis demandé : pourquoi Fred Again… avant Kendrick Lamar? On dirait que ça aurait été un meilleur mariage pour Rüfüs du Sol, tout comme Baby Keem aurait été vraiment mieux en première partie de Kendrick Lamar et que Charlotte Cardin était sur mesure pour faire la première partie de Billie Eilish. Peut-être qu’on essaie d’ouvrir les horizons musicaux des spectateurs, mais je pense que ça tombe un peu à côté de la plaque.

Kendrick Lamar

Kendrick Lamar Duckworth était attendu. Après une rencontre avortée en 2020 à cause de vous savez quoi, Lamar était de retour comme tête d’affiche pour le festival avec un nouvel album en poche, l’excellent Mr. Morale & the Big Steppers. C’est d’ailleurs avec N95 qu’il a commencé son concert après être entré sur la portion instrumentale de The Heart Part 5. Kendrick Lamar nous a livré ses plus grands succès avec une verve impeccable et une mise en scène conceptuelle où des danseurs habillés de manière identique s’ajoutaient au fur et à mesure que le concert avançait. Ce sont deux hommes qui sont apparus au début, puis un troisième s’est greffé et ainsi de suite. Le tout entrecoupé par des moments de noirs lumineux qui s’étiraient toujours sur plusieurs secondes. C’est long 30 secondes de silence dans un concert et ça marque les esprits. Pendant ceux-ci, Kendrick Lamar restait immobile en milieu de scène, il ne prenait même pas une gorgée d’eau.

Derrière lui, des fresques qui semblent l’imager avec et sa famille avec une esthétique qui rappellait vaguement Gauguin se sont succédées en prenant tout l’espace de la scène. Pendant ce temps, Kendrick Lamar livrait avec fougue et précision chirurgicale DNA., HUMBLE., Money Trees, Bitch Don’t Kill My Vibe, Swimming Pools, Alright, King Kunta et plusieurs autres pièces. Il a aussi pigé dans ses collaborations rappant sa partie sur Nosetalgia de Pusha T et sa partie de Sidewalks de The Weeknd.

Kendrick Lamar a offert le parfait dernier concert de trois jours de festival. C’était très bon Billie Eilish et peut-être plus émotionnel, mais Kendrick Lamar vient jouer dans nos têtes, nous laissant avec plus de questions qu’au début du concert. C’est un grand artiste de notre époque et sa performance d’hier soir ne fait que confirmer le génie de l’homme. Vous pouvez voir en bas de page la liste complète des pièces qui ont été jouées hier.

Ceci met un terme à cet Osheaga 2023 qui me laisse de nombreux bons souvenirs comme les concerts de Kendrick Lamar, Billie Eilish, Joey Bada$$, The National, The Flaming Lips, Altin Gün et quelques autres. On se revoit l’an prochain!