Critiques

Taylor Swift

The Tortured Poets Department : The Anthology

  • Indépendant
  • 2024
  • 122 minutes
5,5

Vous nous excuserez d’arriver quelques jours après la plupart des médias. Il me fallait plus de temps pour tenter de digérer le « all you can eat buffet » de l’Anthology de Taylor Swift. Avant que des Swifties se prennent d’envie meurtrière, on va se sauver du temps. Ceci ne sera pas un lichage des foufounes de TayTay. Vous allez me trouver désagréable. Sauvez-vous du trouble et des années de prison en fermant ce texte. Pour les autres, il y a des réflexions intéressantes à avoir avec ce foisonnant double album.

Il y a dans le vent une envie de haïr TayTay et son succès. Je comprends. Quand une seule personne la moitié du PIB de la Répulique centrafricaine, on se dit que c’est exagéré. Ceci étant dit, son succès, elle ne l’a pas volé. Elle l’a plutôt remporté en créant une pop faite sur mesure pour les radios commerciales doublées d’un sourire Colgate et une bonne tête pour contrôler son image. Taylor Swift a beau dire que The Totured Poets Department est l’album qui lui a rappelé que l’écriture de chansons est vitale à sa santé mentale, je dirais plutôt que c’est vital au maintien de son entreprise qui a pris des allures d’empire. On peut bien sûr célébrer le succès de cette femme américaine qui peut rivaliser (et honnêtement écraser) le patriarcat avec son petit doigt. C’est la cheerleader qui prise la place de la vedette du club de football (oui je fais exprès). On peut le célébrer. Ça demeure un petit avancement quand la belle fille riche se retrouve plus riche. On est assez loin de la lutte des classes. Mais grand bien lui fasse, elle peut mettre le maximum dans ses REER chaque année. Go TayTay.

The Tortured Poets Department sonne parfois comme un album écrit par une adolescente qui se plaint que le bum de l’école n’a pas été fin avec elle. Elle y reprend les nombreuses histoires de tabloïds écrites autour de ses histoires de cœur houleuses avec Matt Healy ou encore les débuts de ses amours avec Travis Kelce. C’est vrai sur My Boy Breaks Only His Favorite Toys, Down Bad, But Daddy I Love Him et en toute franchise 80% des pièces qu’on retrouve sur l’album. Il y a dans le lot de bons coups, comme la mélodie de Down Bad ou encore So Long London où elle offre de moments très acceptables de pop commerciale. Elle réussit à reprendre le contrôle du narratif autour de sa vie personnelle et c’est bien comme ça.

Parmi les moments surprenants de The Tortured Poets Department, il y a Fortinite avec Post Malone qui offre une pièce de synthpop dépouillée qui va dans une nouvelle direction. Ce n’est pas tout à fait réussi dans la mesure où ça manque terriblement de prise de risque, mais ça demeure une avenue intéressante pour Swift et le duo de voix avec le tatoué Malone est plutôt agréable. On ne peut pas en dire autant de la collaboration avec Florence Welsh sur Florida!!! où les mélodies des couplets sont faibles.

Les meilleurs moments de ce double album sont The Albatross et ses arrangements efficaces, I Can Do It With A Broken Heart qui pourrait être perçu comme une chanson sur la persévérance d’une femme au cœur brisé, mais qui dans le contexte de Taylor Swift prend des allures d’hymnes au capitalisme à tout prix. Je suis peut-être un peu de mauvaise fois, mais au prix des billets de concert, on dirait que le fait de continuer est accompagné du son des pièces qui tombent dans la machine à boisson gazeuse. Elle chante le tout avec une interprétation convaincante et une bonne mélodie vocale.

The Smallest Man Who Ever Lived est une pièce qui pitche habilement des roches sous des airs de piano intimiste. D’ailleurs, Taylor Swift semble particulièrement spicy dans ses règlements de compte sur The Tortured Poets Department comme sur thanK you aIMee qui selon plusieurs seraient une pique directe à Kim Kardashian (mon doux, je me sens comme si je travaillais chez Monde de Stars). Elle y glisse d’ailleurs l’insidieuse ligne :

I don’t think you’ve changed much
And so I changed your name and any real defining clues
And one day, your kid comes home singin’
A song that only us two is gonna know is about you, ’cause

thanK you aIMee

Bon, on peut quand même la challenger sur le fait d’avoir SIIIIIIII BIEN caché la cible de cette pas très subtile attaque.

Le principal problème de The Tortured Poets Department ne réside pas réellement dans les pièces individuelles qui sont bien composées, très bien enregistrées, tout à fait anodines dans le paysage de la pop commerciale et faites sur mesure pour les radios où les directeurs musicaux ne prennent même plus le temps d’écouter de la musique et favorisent les palmarès dominés par les majors. Il réside dans son ensemble. C’est une suite de pièces qui manquent un peu de personnalités et qui se démarquent peu de la discographie déjà bien remplie de l’autrice-compositrice-interprète. Comme à l’école privée où tout le monde est formaté et habillé à l’identique et où la moindre originalité est vue comme une menace à l’ordre établi.

Il y a aussi toujours ce bon vieux problème de la quantité versus la qualité. Un peu comme quand on va chez Buffet Fu Lam et qu’on se rappelle qu’on a accès à autant de bouffe parce que finalement tout ne goûte pas si bon. Il n’y a pas une grande attention qui est mise sur les épices. Et on peut comprendre pourquoi, c’est pour plaire au plus grand nombre de palais. De la même manière, Taylor Swift évite de prendre des risques avec ses compositions pour plaire à la masse. Et ça fonctionne. Mais pas beaucoup avec moi.

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