FME 2023 | Jour 2 : Arielle Soucy, Flavien Berger, Elisapie, Rip Pop Mutant, Annie-Claude Deschênes et The Psychotic Monks
Cette deuxième journée au FME s’amorçait, pour moi, à une heure assez tardive. Vers 22h30, précisément, j’étais posté devant le Petit Théâtre du Vieux-Noranda pour assister aux concerts de Rip Pop Mutant et Annie-Claude Deschênes. J’ai conclu ma soirée au Cabaret de la Dernière Chance au son du quatuor noise rock, The Psychotic Monks. Pour sa part, LP Labrèche a assisté aux concerts d’Arielle Soucy, Flavien Berger et Elisapie.
Arielle Soucy, Café-bar l’Abstracto
Mon premier arrêt de la soirée était du côté de l’Abstracto où Arielle Soucy présentait les pièces de son prochain album, Il n’y a rien que je ne suis pas. En plus de ses nouvelles compositions, l’autrice-compositrice-interprète a aussi pigé dans le répertoire de ses deux EP en jouant des pièces comme Letting You Down et Multispecies Storytelling. Ce sont tout de même ses nouvelles chansons qui ont retenu l’attention. Elle a présenté Promenade, premier simple à sortir du futur album qui a été sélectionné pour la bande-annonce du festival cette année. Elle a dit : « c’est parfait parce que c’est une chanson mushée », faisant référence bien sûr au visuel de champignon du FME et non à ceux qui font halluciner.
En plus de ses chansons, elle a fait deux reprises au cours du concert : L’effet Lisa de Richard Desjardins et Pretty Saro, une pièce traditionnelle américaine. Bien qu’elle fût seule sur scène, son jeu habile de boucle de voix où elle se retrouve à se doubler elle-même et créer des harmonies avec les différentes couches est franchement efficace. C’était un magnifique concert pour commencer ce vendredi soir de FME et l’ovation debout qu’elle a reçue à la fin de sa performance était entièrement méritée.
Flavien Berger, Le Paramount
Flavien Berger était en mode solo pour monter sur la scène du Paramount et ça ne lui a pas pris longtemps avant de faire danser l’avant-scène avec ses pièces électro-pop. Si son album, Dans cent ans, paru en mars dernier, est un pas de plus vers la chanson, sur scène, il conserve le côté dansant qui a fait sa réputation. À de nombreuses reprises, il s’est laissé emporter dans des moments de musique dynamique qui appelait à la danse. À travers le tout, il y avait un plaisir évident du protagoniste sur la scène qui s’abreuvait de la réponse positive de la foule.
Il s’est même permis une descente dans le public qu’il a traversé avec son micro à fil pour se rendre près du bar au fond de la salle. En revenant, une petite marche a failli l’envoyer caramboler dans les fans, mais il s’est repris et a intégré l’accident évité dans ses paroles pour la suite de la chanson. C’était tout à fait réussi.
Elisapie, Le Paramount
Lumineuse était Elisapie pour venir casser les chansons de son nouvel album, Inuktitut, à paraître le 15 septembre. Visiblement contente de se retrouver à Rouyn-Noranda, elle a commencé son concert en disant : « I missed you Rouyn. Je me suis mis une jupe! ». C’est la poète, romancière et peintre métisse crie Virginia Pésémapeo Bordeleau qui l’a introduite sur scène avec un poème. En quatuor avec Jay Essiambre à la batterie, Jean-Sébastien Williams à la guitare et Joshua Toal à ce qui semblait une guitare baryton, mais je pourrais me tromper, elle a livré de nombreuses pièces qui se retrouveront sur son nouvel album. Les reprises de Time After Time, qui devient Taimangalimaaq, ou encore The Unforgiven de Metallica qui se transforme en Isumagijunnaitaungituq.
Entre les pièces, Elisapie nous a raconté des histoires touchantes souvent tristes, mais en gardant tout de même un halo de lumière et beaucoup d’espoir pour le futur. Dreams de Fleetwood Mac était particulièrement émotive alors qu’elle a raconté qu’à la suite de la mort de son « grand frère » dans un feu alors qu’elle n’avait que deux ans, sa mère adoptive n’a jamais voulu réentendre le groupe à la radio, car ça réveillait des émotions difficiles à gérer. Moment fort du concert, Elisapie a interprété en duo la magnifique Moi, Elsie tirée de son album There Will Be Stars. Je ne croyais pas avoir la chance un jour de l’entendre chanter cette vieille pièce de son répertoire. C’était à couper le souffle. À tout ceci, se sont ajoutées quelques pièces de son répertoire comme Wolves Don’t Live By the Rules et Arnaq. Un concert à la hauteur d’Elisapie et le respect qu’elle inspire sur scène.
Rip Pop Mutant, Petit Théâtre du Vieux-Noranda
Rip Pop Mutant est un trio post-punk / new wave mené par le charismatique Alex Ortiz (We Are Wolves). Au printemps dernier, la formation a lancé son premier long format intitulé Fluxus Pop; titre qui est une référence aux valeurs de ce mouvement artistique né dans les années 60 nommé Fluxus. L’approche généraliste de ce mouvement visait à transformer chacune des activités du quotidien en œuvres d’art. L’humour et la dérision sont particulièrement mis à l’avant-plan dans cette démarche.
Les rythmes exclusivement synthétiques et le jeu de basse « à la Peter Hook » — bassiste emblématique des formations Joy Division et New Order — constituent le pain et le beurre de Rip Pop Mutant. L’apport instrumental est complété par une guitare, un clavier d’ambiance et même un thérémine qu’Ortiz a employé de manière ingénieuse dès le début du spectacle.
Or, c’est l’attitude tant flamboyante qu’ironique du meneur de la formation qui bonifie le minimalisme musical du trio. Ortiz nous a fait bien rigoler lorsqu’il a singé vocalement le son d’un saxophone, tout en brandissant une reproduction en papier de l’instrument. À l’arrière du trio, des images en rafales des travaux visuels d’Ortiz étaient projetées, lui qui, quelques heures auparavant, avait exposé ses œuvres dans le cadre d’un vernissage présenté dans une galerie d’art de Rouyn-Noranda.
C’était le deuxième concert en carrière du groupe et ça n’a pas paru une seule minute même si, aux dires d’Ortiz lui-même, le groupe avait joué dans « un show de marde à Toronto ». Je salue la relecture de Et si jamais et la nouvelle chanson que le trio nous a balancée.
Une prestation efficace marquée par la solide présence scénique d’Alex Ortiz.
Annie-Claude Deschênes, Petit Théâtre du Vieux-Noranda
Et en voilà une qui n’a pas de conseils à recevoir de personne en matière de présence scénique. En février dernier, dans le cadre du Taverne Tour, mon collègue LP Labrèche m’avait vraiment intrigué avec son compte-rendu du concert qu’Annie-Claude Deschênes avait donné au Ministère.
Inspirée principalement par les bons comportements à adopter à table, l’artiste a recrée, sur scène, une salle à manger d’un restaurant gastronomique. Cette mise en scène est bien sûr un prétexte pour nous présenter ses chansons aux influences cold-wave, mais en mode hautement cadencées. Les images de bouffe défilent derrière l’artiste dans cette proposition qui réunit musique, performance et art culinaire.
Et il s’en passe des choses hors normes dans ce concert, croyez-moi. En plein milieu de sa prestation, Annie-Claude Deschênes, après nous avoir présenté quelques chansons, s’arrête et invite certains membres du public à venir s’asseoir aux deux tables installées sur scène afin qu’ils puissent vivre l’expérience sensorielle de ce restaurant « synthétique ». Aussi drôle que déstabilisant. À un autre moment, elle s’est assise en bordure de scène pour nous réciter un texte étrange portant sur les bonnes manières à adopter à table.
En fait, le spectacle présenté par Annie-Claude Deschênes est une expérience artistique aussi jouissive que déroutante. Je lui souhaite de présenter ce concert-performance le plus souvent possible, mais rien n’est moins sûr dans ce monde qui ne fait plus la différence entre divertissement et œuvre d’art.
Mon concert préféré du FME, jusqu’à ce jour.
The Psychotic Monks, Cabaret de la Dernière Chance
En tout début de nuit, j’avais finalement rendez-vous avec la jeune formation française The Psychotic Monks. Avant d’aller à leur rencontre, j’ai prêté l’oreille attentivement à l’excellent Pink Colour Surgery paru en février. Cela dit, si vous aimez des groupes comme Suicide, Daughters, Swans, Gilla Band et Xiu Xiu, vous pourriez être tentés par ce que propose la formation.
Donc… en format album, aucun doute, The Psychotic Monks livre la marchandise. En concert, ce n’est pas tout à fait la même chose. Lorsque la formation plonge dans des rythmiques électros accompagnées bien entendu de guitares saturées et dissonantes à l’excès, ils sont imbattables. En contrepartie, le groupe peine à exécuter avec précision les instants plus nuancés de leurs morceaux et c’est sans compter sur cette présence scénique théâtrale et un peu ampoulée, disons-le. Ces petits impairs m’ont quelque peu crispé sans amoindrir mon envie de suivre l’évolution du groupe à l’avenir.
Sans avoir été déçu par la performance du quatuor, force est d’admettre que The Psychotic Monks devra aligner les concerts tout en portant une attention particulière à la façon de livrer leurs pièces plus tempérées. Cela dit, le groupe possède tous les ingrédients pour devenir une force majeure du noise rock international.
Et voilà ce qui conclut notre résumé du jour 2 de cette 21e édition du FME. Fidèles à notre habitude, nous serons de retour demain.