Critiques

Nicolas Michaux

Vitalisme

  • Capitane Records
  • 2024
  • 42 minutes
8
Le meilleur de lca

J’ai emporté le nouvel album de Nicolas Michaux, Vitalisme, un peu partout avec moi ces derniers jours. Dans ma chambre, sous la douche, dans le métro. C’est pourtant par un début de soirée frais, mais pas froid, au Vieux-Port, que ses textes ont pris tout leur sens à mes yeux. Au revoir ma chérie, blues lancinant clôturant l’album, joue dans mes écouteurs. Le ciel est rose, le Saint-Laurent est calme. Je m’abandonne complètement à sa voix. J’ai presque l’impression de dire au revoir à ma douce contre toute volonté tant le texte semble taper dans le mille (alors que mon couple, c’est solide comme du diamant, 10 sur l’échelle de Mohs, quoi). Tout ça pour dire que : Nicolas Michaux, c’est le genre d’artiste qui t’écoute, le genre d’artiste qui te comprend, et ensuite, qui vient te parler. Exactement comme un Philippe B, qui personnifie sa réalité pour la partager aux autres. La musique de Michaux n’est pas bien complexe, la voix n’est guère impressionnante. Et pourtant, on se laisse bercer, on aime. Beaucoup.

Nicolas Michaux, pour ceux et celles qui ne le connaissent pas, est un artiste belge à l’aube de la quarantaine qui partage sa vie entre l’île danoise de Samsø et la bouillante ville de Bruxelles. Après une première percée dans le monde de la musique au travers du groupe liégeois Été 67, Michaux a lancé sa carrière en solo en 2016 avec À la vie, à la mort. Deux albums plus tard, le voilà de retour cet automne avec Vitalisme, hymne au clair-obscur de la vie.

Sur cette dernière offrande, Nicolas Michaux excelle surtout dans les chansons délicates, notamment la très « gainsbouresque/dassinesque » Peace of Mind #2. Le musicien est influencé par les compositions franco-belges, alors, mais pas que : les discrètes incursions de guitare dans She’s an Easy Rider, reprise de Tucker Zimmerman, rappellent énormément le style de jeu de George Harrison alors que Watching The Cars renvoie à un mélange entre le son caractéristique de Talking Heads et les claviers de Ray Manzarek dans Strange Days. L’instrumentation de Réparations, quant à elle, peut faire penser à une composition tranquille de Men I Trust.

Le style de Michaux est varié, donc, mais il ne tombe jamais pour autant dans l’exagération de chaque genre musical. Un spectre indie pop regroupe les 12 compositions et offre un fil rouge à l’auditeur, ce qui rend l’écoute de Vitalisme, d’une traite, fort agréable. Moins fan pourtant de Le Léthé, relecture d’une œuvre de Ferré sur une base de Baudelaire, qui joue sur la voix frêle de Nicolas Michaux d’une manière, pour une fois, excessive. Avec un arrangement au clavier pas des plus inspirés et un étrange bruit ambiant en arrière-plan, on se retrouve avec un morceau malheureusement trop nonchalant pour marquer les esprits. En termes de moins bonne chanson, c’est bien la seule de l’album.

Les textes de Vitalisme révèlent une poésie profondément maîtrisée, simple, mais directe, que ce soit en français ou en anglais. L’usage des deux langues ne paraît pas forcé (et me choque, avec mes oreilles belges, peut-être moins aussi. Il n’est pas « tabou » ou mal vu d’utiliser l’anglais pour un francophone européen dans la musique, situation souvent contraire au Québec). Michaux chante les maux et les joies d’une époque, et sûrement les siens à la fois : difficile de savoir s’il parle de lui ou de nous tous dans Réparation ou dans Chaleur humaine, cette dernière chanson qui pourrait autant aborder la crise climatique que ses relations proches. Et ça, ce sont les meilleurs textes, ceux qui peuvent porter plusieurs interprétations différentes.

Vitalisme est ce genre d’album qu’il faut écouter dans un contexte favorable pour en saisir toutes ses subtilités, et plusieurs fois. Dans le silence et le bon état d’esprit, peut-être avec un verre de vin (ou plutôt avec une bière, eh oh, c’est la Belgique!).

En pensant à des Nicolas Michaux, des Zaho de Sagazan ou des Flavien Berger, on se rend compte, d’abord, que le meilleur de la chanson française se retrouve aujourd’hui « dans la marge », loin de l’horrible variété standardisée des Vianney, etc. de ce monde. Mais, également, on se rend simplement compte qu’il reste encore d’irréductibles artisans talentueux veillant à ce que le genre ne s’éteigne pas à jamais. La chanson française évolue, la flamme n’est plus aussi puissante qu’autrefois, mais elle connaîtra encore de beaux jours.

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