Festival en chanson de Petite-Vallée 2021 : la marée du loup
Les émotions étaient au rendez-vous pour cette troisième et dernière marée, au Festival en chanson de Petite-Vallée, alors que Louis-Jean Cormier et sa meute prenaient d’assaut la Gaspésie.
Ce qu’il faut savoir d’entrée de jeu : le lien entre Louis-Jean Cormier et le festival, et plus largement la région de Petite-Vallée, s’appuie sur des racines profondes. Sa mère vient de la Longue Pointe et est dans la famille d’Alan Côté, grand manitou du festival. Quand il revient au festival, il se retrouve en famille. Littéralement. Ses cousins et ses tantes sont présents. Autre chose à savoir avant de plonger dans cette marée, si vous l’ignoriez, c’est que le dernier album de Louis-Jean Cormier, Le ciel est au plancher, traite du deuil suivant la mort de son père survenue au début de l’année 2020. Voyez-vous où je me dirige avec mes skis?
Dans ce périple, Cormier était accompagné de Beyries, Vincent Vallières, Laura Niquay, Matiu, Cindy Bédard et Gab Bouchard.
Heille Vallières
Mon premier arrêt : l’esplanade du Théâtre de la Vieille Forge (où j’avais précédemment vu Tire le Coyote au coucher du soleil, c’était magnifique) pour Vincent Vallières en solo sur le bord du Saint-Laurent. Il y avait très longtemps que je n’avais pas vu l’auteur-compositeur-interprète sur scène et j’avais oublié à quel point il est un conteur adroit, un clown et un musicien polyvalent. Armé de sa guitare, d’un bass-drum, de son harmonica et d’un piano, il a passé à travers des pièces du très bon Toute beauté n’est pas perdue et quelques pièces de son répertoire. C’est dans ce genre de contexte qu’on peut prendre la mesure de l’adresse de Vallières qui s’en sort facilement à jouer ses pièces en solo sans qu’elles perdent de leur lustre.
En plus des pièces, on a appris comment il a failli devenir prof et comment Richard Séguin lui a donné une douze cordes qui a servi à l’enregistrement de Fiori-Séguin. Une bien belle façon de passer un après-midi ensoleillé sur le bord du Saint-Laurent.
Des émotions à la pelleté
Louis-Jean Cormier a toujours fait dans la chanson empreinte d’une certaine mélancolie, mais son dernier long format, Le ciel est au plancher, est particulièrement chargé en émotion. Construit autour du deuil de la mort de son père, il plonge franchement dans les émotions que ça suscite. Ça, c’est une chose. Voir Cormier jouer les chansons devant la moitié de sa famille au soleil couchant, c’en est une autre. Le niveau d’intensité était à son maximum. Malgré tout, il a surtout cherché à nous faire danser (masqué bien sûr). Il a surtout exploré le répertoire de ses deux derniers albums : Le ciel est au plancher et Quand la nuit tombe, mais il a aussi livrer Jouer des tours, Tout le monde en même temps et St-Michel. N’en demeure pas moins que les points forts de ce concert étaient Croire en rien et L’ironie du sort, toutes livrées avec un motton dans la gorge. Le tout, je vous le rappelle, avec un coucher de soleil qui nous offrait un meilleur show que toute la pyrotechnie de Kiss. Une mention honorable aussi à Marc-André Laroque, Amélie Mandeville et Alexis Dumais qui entourent Louis-Jean Cormier et qui excellent dans leurs postes respectifs. Disons que c’est une machine de musique bien huilée et puissante à souhait.
Celle qui ne laisse pas indifferent
J’avais très hâte de voir Laura Niquay live. J’ai adoré l’album Waska Matisiwin et je trépignais d’envie de voir comment ces pièces prenaient vie sur scène. Entourée d’un groupe solide où on retrouvait Jay Essiambre (La Faune), Mélissa Fortin (Bon Enfant), Gotta Lago, Simon Bilodeau et Marika Galea et visiblement heureuse d’être sur place, Laura Niquay nous a menés à travers les pièces de son album, notamment l’excellent Nicto Kicko, Nitanis Anaïs et Eki Pataman. Elle prenait le temps de nous mettre en contexte les chansons. En temps normal, trop d’explications me dérangent, mais dans un contexte où les paroles sont atikamekw et que ma connaissance de la langue est plutôt rudimentaire, c’était tout à fait le bienvenu. Un concert qui remplissait amplement les promesses faites par l’album et ce n’était que leur troisième!
Rencontre
Beyries faisait aussi son tour du côté du Théâtre de la Vieille Forge en après-midi. Entourée de ses musiciens : Marc Chartrain, Amélie Mandeville et André Papanicolaou, elle a livré un concert en douceur bercé par les pièces de ses deux albums, Encounter et Landing. L’air salin semblait avoir affecté l’autrice-compositrice-interprète qui a dû se reprendre à deux occasions pour lancer des chansons. Malgré tout, elle était d’une forme resplendissante. De plus, la liberté qu’elle prend passant du piano à la guitare lui donne davantage de flexibilité. Ça fonctionne très bien. Rapidement, elle nous a fait rire en expliquant que c’était correct de massacrer son nom et que les gens le faisaient tout le temps. Depuis la dernière fois que je l’ai vu sur scène, Beyries (et non berries) a gagné en assurance sur scène. On la sent campée et solide. Elle a fait J’aurai cent ans au rappel, moment auquel Louis-Jean Cormier a décidé de faire une apparition pour chanter ce duo. C’était bien plaisant.
Plateau double
Le rock était à l’honneur pour le plateau double de Gab Bouchard et Matiu qui avait lieu à 22h vendredi soir. C’est Matiu qui ouvrait la soirée avec son blues rock entraînant qui alterne entre l’innu et le français. On sent que le groupe pousse tellement qu’on est constamment sur le bord du feedback. En toute franchise, mes chansons préférées du jeune homme sont celles en innu, non parce que je ne les comprends pas, mais souvent parce qu’elles sont plus directes. Pas de fioritures ou d’effets, c’est simplement des paroles livrées avec authenticité par le chanteur à la voix éraillée. Il a aussi livré sa reprise personnelle de Le bon gars de Richard Desjardins. Un concert bien sympathique.
Gab Bouchard est arrivé par la suite et a mis le feu aux poudres. Entouré de son groupe composé de Marie-Claudel Chénard, Victor Desrosiers, Pierre-Olivier Gagnon et Mathieu Quenneville, il a soulevé la foule avec une bonne dose de rock. Le concert a été ponctué de blagues et d’une spectatrice qui lui a candidement écrit sur une boîte de carton pour lui demander s’il pouvait lui faire un cunnilingus. Visiblement, le courant passait entre Gab Bouchard et Petite-Vallée. C’était tout de même un moment un peu irréel qui semblait émouvoir autant le public que Bouchard lui-même. En plus de ses chansons qu’il a livrées avec adresse, le jeune homme a repris Les aurores de Mara Tremblay de manière habile et Femme de rêve de Claude Dubois. Il nous a aussi présenté une nouvelle chanson pour un album à venir en mai 2022. Mettez ça à vos calendriers. Il a livré l’un des concerts les plus réussis du festival avec une énergie débordante et contagieuse.
Sobriété et simplicité
La Marée du loup a glissé tranquillement dans la soirée, furtivement comme l’animal-emblème, avec une certaine retenue intéressante. Après Laura Niquay qui a pris la parole en atikamekw, Louis-Jean Cormier a lancé solennellement 138. Puis, il s’est déplacé dans un rôle de guitariste, rejoignant le reste de son groupe en tant que groupe maison pour Matiu, Beyries, Laura Niquay, Cindy Bédard, Gab Bouchard et Vincent Vallières. Les artistes sur scène ont offert un bel effort collectif. Les chœurs étaient chauds, les versions étaient différentes des originales, mais toutes aussi intéressantes. Par exemple, Soleil de Gab Bouchard a pris un air jazzé, le bout de chants traditionnels d’Eki Petaman de Laura Niquay est devenu un solo de guitare sur lequel elle dansait et Vallières qui souriait en se laissant porter par les jams du groupe sur Le jardin se meurt et Lily. C’était des moments franchement intéressants mis en scène par Martin Léon. Notons aussi le travail de Marc St-Laurent à la console de son et les éclairages magnifiques de Mathieu Roy.
Hors-série
On a retrouvé Simon Kearney, Gabrielle Shonk, Julyan, Kinkead et Simon Lachance qui nous présentaient au Bar de la mer les résultats d’un cercle d’écriture qui avait eu lieu en hiver. Enfermés ensemble pendant la COVID et une tempête hivernale pour créer, les 6 auteurs-compositeurs-interprètes ont travaillé des chansons en chantier ou carrément créer de nouvelles pièces. Le résultat est bien intéressant. Parmi les plus marquantes, les deux chansons de Kearney : Jean Leloup et Rich Bums alliaient bonne mélodie et un humour sympathique. Les frères Kinkead qui ont présenté des pièces composées chacune de leur côté montraient leur personnalité propre. Tous les musiciens présents étaient très talentueux, mais la voix de Gabrielle Shonk a remporté la médaille de l’instrument le plus impressionnant pendant la présentation. C’était une belle vitrine sur un laboratoire bien spécial mis sur pied à l’initiative de Simon Lachance.
MERCI MERCI MERCI
Un gros merci à l’organisation qui nous reçoit encore une fois avec classe et qui s’assure qu’on puisse se concentrer sur notre travail pendant le festival. Merci à Stéphanie Richard qui est notre maman pendant ces dix jours. Merci à Alexandre Cotton et Alexya Grégoire pour vos belles photos. Merci aux amis journalistes qui ont agrémenté le périple de moments magiques. Merci aux bénévoles sans qui ce festival n’aurait pas lieu. Vous dire à quel point j’étais content de vous revoir tous. J’ai déjà hâte à l’édition 2022.
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire