Critiques

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Louis-Jean Cormier

Le ciel est au plancher

  • Simone Records
  • 2021
  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Le confinement aura été productif pour Louis-Jean Cormier. Récemment, l’auteur-compositeur-interprète dévoilait une plateforme numérique, Le 360, qui propose des séances musicales et des conversations avec d’autres artistes. Mais surtout, le voici qui lance un deuxième album en un peu plus d’un an, Le ciel est au plancher, qui s’impose comme le compagnon idéal du précédent Quand la nuit tombe.

Les deux albums sont en fait le fruit du même processus créatif. Ainsi, les chansons de ce nouveau disque ont été explorées en même temps que celles qui figuraient sur Quand la nuit tombe. Les deux parutions témoignent d’ailleurs d’une démarche un peu similaire, avec un désir de la part de Cormier d’élargir son carré de sable en y intégrant certains éléments jazz et électro, aidé en cela par la présence immense du claviériste François Lafontaine, son acolyte depuis l’époque de Karkwa.

Si les deux albums se rejoignent dans le choix des orchestrations et la place accordée au piano par rapport aux guitares, Le ciel est au plancher se distingue de plusieurs manières. D’abord, les éléments jazz se font beaucoup plus présents, que ce soit dans l’instrumentation (magnifique saxophone dans Silence radio) et la batterie un peu plus feutrée signée Robbie Kuster (Patrick Watson, Marie-Pierre Arthur). L’album est également centré autour d’un thème précis, avec la plupart des chansons qui explorent la question de la mort, le père de Cormier étant décédé en janvier 2020.

La façon dont Cormier aborde la mort est à la fois sensible et posée, touchante sans être larmoyante. Il parvient aussi à décrire la réalité du deuil, avec les remords et les regrets qui l’accompagnent trop souvent, d’une manière très juste, en s’attardant aux moments périphériques à la mort : le fils qui fouille dans les vieux vinyles de son père (Bipolaire); cette marche nocturne en solitaire, où il tente de prendre conscience du drame en se parlant tout seul (la chanson-titre); ou cette étrange impression de voir le visage du disparu dans les inconnus croisés au hasard (Silence radio).

Sur la magnifique 138, du nom de la route qui relie Montréal à Sept-Îles, Cormier se remémore ce trajet en voiture, celui où le fils endeuillé revient à la maison après le choc de la nouvelle. L’image est si juste qu’elle m’a ramené 19 ans en arrière, un soir de novembre en pleine tempête, faisant la route de Montréal à Rimouski après le coup de téléphone m’annonçant la mort subite de mon père, retournant moi aussi vers tous mes vieux souvenirs :

« Je pense à la suite, je pense à hier

Mes chansons gravitent et résonnent en prières

Je dépasse la limite, les joues comme des rivières ».

138

Sur le plan strictement musical, Le ciel est au plancher se révèle peut-être moins explosif que Quand la nuit tombe, mais il est plus cohésif. En entrevue récente avec La Presse, Cormier a d’ailleurs confié que François Lafontaine et lui avaient un plan de match précis pour cet album. L’ordre des chansons a été savamment pensé et tout s’imbrique naturellement, de l’ouverture instrumentale jusqu’à la délicate L’au-delà pour finir. La seule chanson qui détonne un peu est Marianne (en référence à la muse de Leonard Cohen), dont le lien avec le thème de l’album est plus ténu.

Il est évident que Quand la nuit tombe et Le ciel est au plancher seront à jamais liés dans le parcours de Louis-Jean Cormier, comme en témoignent non seulement leur genèse commune, mais aussi ces rappels dans le design de la pochette. Le danger était que ce deuxième album sonne un peu comme le petit frère du premier. Or, Le ciel est au plancher évite cet écueil grâce à de brillants arrangements qui lui donnent une personnalité propre, quelque part entre l’électro ambiant (touchante Tout croche, avec ses synthés minimalistes) et le jazz mélancolique (superbe utilisation des cuivres sur L’ironie du sort, qui évoque un peu Life in a Glasshouse de Radiohead). Lancer deux disques d’une telle qualité en un an relève de l’exploit, rien de moins…

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