Critiques

Bon Enfant

Bon Enfant

  • Duprince
  • 2019
  • 39 minutes
8
Le meilleur de lca

Serions-nous en train d’assister à la naissance d’un grand groupe ? Avec la certitude que notre coeur et nos oreilles saisissent de manière limpide toutes les bonnes vibrations émanant des onze titres du premier album de Bon Enfant ?

C’est ce qui s’est passé entre Daphné Brissette (Canailles) et Guillaume Chiasson (Ponctuation, Jesuslesfilles) au niveau des textes et des sonorités, relève d’une très grande maturité musicale. Deux autres Canailles s’y frottent avec enthousiasme : Étienne Côté alterne entre batterie, percussions et claviers, tandis que Melissa Fortin peint des Chagalls avec ses claviers. Alexandre Beauregard (Alex Burger) tire à lui seul des notes posées et savamment choisies sur sa basse.

La somme de ces composantes forme cette entité unique qu’est Bon Enfant. Capable de mélodies et de refrains célestes, d’arrangements à la fois simples et somptueux. Enregistrée en direct au studio Breakglass, la bande a fait appel à l’astucieux Tonio Morin-Vargas qui a tout compris, tout saisi et tout pigé de l’essence même du projet en réalisant, co-mixant avec Chiasson et arrangeant minutieusement ces onze titres. Mais sans la prise de son de Francis Bélanger (Timbre Timbre, Corridor) on serait moins extatique, il y a donc une communion parfaite dans cette équipe.

Ça sonne comment? Tel qu’il est bien écrit sur la page bandcamp du groupe: « un véritable buffet pour les sens dans les oreilles ».

Petites batailles donne tout de suite le ton, la cohésion, le jeu de guitare, cette chanson est brillamment construite.

Aujourd’hui, c’est clairement la toune Fleetwood Mac de l’album, la voix légèrement nasillarde de Brissette coule de désinvolture lorsqu’elle parle « d’un endroit aux couleurs pastels où tout le monde rit de mes jokes », avec un peu de réverbération dans la voix, sur une cadence toute simple.

Ménage du printemps dévoile de magnifiques harmonies vocales, elle implore : « mais moi je veux jouer encore, chu jamais tannée de me coucher tard », Brissette s’affirme sur un autre texte légèrement sarcastique sur une musique toujours aérée avec classe et distinction.

L’hiver à l’année, c’est surtout le tandem voix-guitare : « je te cherche partout comme un chercheur d’or qui trouve de la boue », Magie rappelle avec son strumming de guitare l’élégante Got Me Hypnotized du même Fleetwood. La voix est bien à l’arrière. Ding Dong est un planant intermède instrumental de 43 secondes. Faux pas brandit un ton fantaisiste et presque beatlesque. Liste Noire rappelle beaucoup la très seventies Only You I Know de Dave Mason qui se termine avec son crescendo à l’orgue, le poil dressé sur les bras, je vous dis !

Il y a beaucoup d’exploration sonore sur cet album. Ode aux pissenlits se veut une autre inspirante quête de l’apesanteur avec ses claviers en mode instrumental. Insomnie est souveraine avec ses réverbérations de guitares, ça sonne comme de l’or et le solo de guitare psychédélique fait clairement référence à The Pusher de Steppenwolf (Easy Rider).

Avec de si bonnes chansons, on se demande: est-ce que Bon Enfant a tout ce qu’il faut au niveau du groove pour paraître plus écossais que Belle & Sebastian, plus psyché que Spiritualized, plus immatériel que The Brian Jonestown Massacre ? En tous les cas, ce disque est remarquablement abouti et jouissif. On le sait, les cinq sont tous impliqués dans plusieurs projets, mais il semble que Bon Enfant soit devenu la priorité. On a déjà hâte au suivant!