Concerts

Amyl and the Sniffers le 17 mai 2022 à La Tulipe

C’est au son du classique soul des années 60 de Land of A Thousand Dances de Wilson Pickett que le quatuor punk rock de Melbourne en Australie, Amyl and the Sniffers, a fait son entrée sur scène devant une salle comble à La Tulipe mardi soir. L’affaire était entendue depuis des mois. Nerveux et revendicatif, le set d’une heure, pas une minute de plus, qui a démarré à 21h52, était aussi l’occasion pour la blonde incendiaire en shorts Amy Taylor et ses trois musiciens de donner vie sur scène à quelques-unes des onze nouvelles chansons de Comfort To Me (lire ici la critique judicieuse de Stéphane Deslauriers).

Ambiance des grands soirs, public plus âgé que je ne l’imaginais, des trentenaires oui, mais surtout des 40 et 50 et plus! Pour un show punk de cette magnitude, rien d’étonnant. Ce band DIY qui n’avait d’autres ambitions en 2018 que d’être des provocateurs de bars est parti pour la gloire, les antagonismes quotidiens de la vie sont évacués avec la douce rage d’Amy Taylor. Le show, c’est elle.

Arrivée sur scène dans un petit deux-pièces rose, espadrilles de combat aux pieds, casquette de baseball sur sa chevelure rebelle, le sourire fendu, exultant de provocation, elle a pourtant plus l’air d’une Solange ou d’une Eli Rose que d’une chanteuse punk qui défonce. Un fois le show démarré, Amy Taylor devient Amyl (qui veut dire poppers dans le slang australien, vous aurez compris que les Sniffers, bon..) Elle flexe ses biceps, tire la langue, se disloque sous nos yeux comme une névrosée dans l’engouement général, trépigne, sautille, harangue les fidèles à chaque couplet, ça fouette les amis.

On les a toutes entendues, les petites grenades des deux albums à ce jour (si l’on exclut les deux EPs) : Guided By Angels, Don’t Need A Cunt (Like you to Love Me), I’m Not A Loser, Control, Starfire 500, Maggott, en tout une vingtaine de chansons ont été joués hier dans la frénésie la plus totale. Quelques interventions au micro de la chanteuse sont passées dans le beurre, son accent australien et son débit saccadé ont testé les plus habitués de la langue de The Chats.

Dans la salle, quelques brontosaures éméchés au jugement douteux, attirés par la scène, foncent comme une boule de quilles par derrière les gens devant eux comme s’ils étaient poursuivis par un commando de tueurs, bousculant à qui mieux mieux des amateurs qui trippent en regardant le show. Pas des mosh-piteux postés en avant, là. Et on en a vu des shows punk, mais pas hardcore dans cette vie, Rancid, Wendy O’Williams des Plasmatics au défunt Spectrum, The Clash, mais hier c’était limite.

« Energy! It’s my currency! » Et ç’a mis le feu pour de bon dans la place. Plus loin c’est au tour de Security, elle implore au portier de bar de sa chanson de la laisser entrer: « I’m not looking for trouble, I’m looking for love! », scande-t-elle à pleins poumons.

Le batteur Brice Wilson bûche comme un damné sur sa modeste batterie, le son du snare est rock, il a de lourdes responsabilités ce Wilson, puissant, précis, acharné, torse nu tatoué, ponctuant de vocalises dynamiques, sa contribution au son des Sniffers est immense.

Le guitariste Dec Martens a l’air d’un croisement entre Ritchie Blackmore et Eddie Van Halen avec sa Fender Strat qui lui colle au corps toute la soirée. Le vrai look du guitariste rock des années 70. Mais pas de simagrées de sa part: préférant asséner ses riffs bruts et ses tranches de solos incisifs avec la minutie d’un horloger, la corrosion c’est son département.

Stage dive, mode d’emploi: devant la scène, ça bouillonnait dans tous les sens, un premier dude est monté sur la scène et s’est lancé en culbutant dans le mosh pit, puis une autre surgit de l’autre côté, tiens, une femme, deux femmes, trois femmes, un homme immense défie la gravité dépassant la chanteuse de deux mètres à côté de lui et se jette à son tour, bref tout le monde s’invitait sur le terrain de jeu d’Amy pour mieux y replonger dans la soupe humaine, tant pis pour les corps qui atterrissent parfois brutalement les quatre fers en l’air. C’était le dérapage parfait. Le consentement d’un rituel casse-cou et libérateur.

Et n’arrêtait plus, tient, en voilà une fan de Klô Pelgag qui surgit arborant son chandail de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs qui s’étend doucement sur des bras réceptifs, aussitôt à droite, un homme chauve, la soixante certaine, avec son t-shirt des Ramones passe à côté d’Amyl en pleine action et se lance à plat ventre.

C’est le flow continu du body surfing extrême, le band enfile les tounes, Amyl implore même l’agent de sécurité sur la scène de laisser les fans s’amuser.

« We are so fucked up! », constate t-elle après une autre rincée de 5 chansons

Un dernier sprint avec Hertz et son tenace vers d’oreille, chanson qui se résume à ‘’sortir de la ville’’ au plus vite pendant le confinement, pièce balancée dans la pétarade finale, elle faisait tournoyer frénétiquement sa petite toque blonde platine.

Et le coup de grâce: l’instrumentale Some Mutts (Can’t Be Muzzled) le festival du stage dive, c’était beau à voir. Les lumières se sont allumées aussitôt et c’est comme si nous étions encore survoltés par la charge énergisante qui venait de nous décoiffer. Fin.

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