Critiques

Amyl and the Sniffers

Comfort to Me

  • ATO Records
  • 2021
  • 35 minutes
8
Le meilleur de lca

Amyl and the Sniffers, c’est d’abord et avant tout Amy Taylor; une charismatique héritière du mouvement féministe riot grrrl qui, au début des années 90, a vu émerger des groupes comme Bikini Kill, Sleater-Kinney et L7, entre autres. Taylor est bien sûr accompagnée par trois excellents dégraisseurs d’oreilles : Bryce Wilson (batterie), Gus Romer (basse) et Dec Martens (guitare). Mertens, Wilson et Taylor ont formé le groupe lorsqu’ils étaient colocataires dans un minuscule appartement situé à Melbourne. Dès l’arrivée de Romer, le quatuor s’est rapidement mis à la tâche en enregistrant en moins de douze heures un excellent EP, Giddy Up (2016), qui laissait présager le meilleur.

En 2019, grâce à l’avènement de leur album éponyme, la formation australienne a sérieusement attiré l’attention des amateurs de rock avec ses hymnes punks aux influences manifestes : The Stooges, The Damned, Minor Threat et AC/DC, pour ne nommer que celles-ci. La pièce conclusive de cette première offrande est une véritable bombe. Some Mutts (Can’t Be Muzzled) est une grande chanson qui exhibe un vernis sonore que le bon vieux Lemmy a dû fortement apprécier du fin fond des ténèbres…

Après avoir lancé ce long format initial et présenté des concerts mémorables à travers le monde, le quatuor est de retour avec Comfort to Me. Dès les premières écoutes, on constate que les moyens, financiers et techniques, sont au rendez-vous. Ces ressources bonifiées auraient pu amoindrir l’exaltation habituelle qui se dégage des chansons d’Amyl and the Sniffers.  Encore une fois, le quatuor nous propose des chansons sans compromis jouées la pédale au plancher et bourrées de riffs-matraques qui feront plaisir à l’amateur de punk rock pur et dur.

En un peu plus d’une demi-heure, le groupe nous présente de réjouissants moments qui sentent la bière et la sueur à plein nez. Amyl and the Sniffers redonne ses lettres de noblesse à un genre trop souvent édulcoré par une approche mercantile et infantile (la pop punk, en fait!). Avec une plume incisive et une musique « drette dans ta face » d’une irréprochable sincérité, Amy Taylor et ses « boys » poursuivent leur entreprise de démolition du masculiniste blanc embourgeoisé, inconscient de ses monstrueux privilèges :

Meanwhile, they sexualize my body and get mad when I exploit It

It’s just for capital

Am I an animal?

It’s just for capital, capital, capital

But do I care at all?

– Capital

Parmi le florilège de brûlots que nous balancent la bande, l’hymne féministe Security, la parfaitement punk hardcore Freaks to the Front, les guitares bien grasses dans Don’t Need A Cunt (Like You To Love Me), le hard rock dégoulinant de Choices et le penchant pop-punk dans Maggot — intelligemment camouflé par le jeu de guitare de Mertens évoquant feu Ron Asheton (The Stooges) — sont parmi les meilleurs moments de ce Comfort to Me. Knifey est la seule pièce qui offre un certain répit à l’auditeur… et encore!

Ce deuxième chapitre est plus abouti, mieux fignolé et aussi vigoureux que le premier effort de la formation. Voilà un de ces rares groupes qui pourraient autant rassembler une poignée de punks dans un petit bar crasseux que de fédérer de milliers de personnes dans un festival. Dans ce monde de plus en plus sécuritaire, balisé et formaté, le petit instant excessif — même s’il est peu inventif — offert par Amyl and the Sniffers est un véritable exutoire.