Critiques

Big Brave

nature morte

  • Thrill Jockey Records
  • 2023
  • 43 minutes
8
Le meilleur de lca

Ce trio montréalais, formé de la guitariste-chanteuse Robin Wattie, du guitariste Mathieu Ball et du batteur Tasy Hudson, dessuinte de plus en plus d’oreilles surtout depuis la parution de l’excellent Vital en 2021. C’est en 2014 avec la sortie de Feral Verdure — un long format auto produit — que le groupe a attiré l’attention de la maison de disques Southern Lord qui a rapidement signé la formation, décelant chez elle un grand potentiel. Le premier album de Big|Brave paru sous ce label, titré Au de la, a permis au groupe d’agrandir son rayonnement.

Or, Big|Brave fait dorénavant partie de l’écurie Thrill Jockey, et ce, depuis l’album Leaving None But Small Birds (2021), disque conçu avec le duo The Body. Enregistré majoritairement en direct, en une seule semaine, au studio Machine With Magnets, propriété de l’incontournable Seth Manchester (Marissa Nadler, Lingua Ignota, Liturgy), voilà nature morte. C’est donc le premier album de Big|Brave sous sa nouvelle étiquette de disques.

Pour plusieurs d’entre nous, une nature morte est une expression qui désigne la représentation peinte d’objets divers (fleurs, fruits, légumes, gibiers, etc.). Mais pour Big|Brave, le titre de cet opus est une référence à peine voilée à la décrépitude écologique, aux objets inanimés et à la mort. La vacuité de l’espoir, les conséquences sans fin des traumatismes vécus par les humains ainsi que l’oppression de la féminité sous toutes ses formes sont évoquées par Robin Wattie tout au long de ce long format.

Musicalement, la formule préconisée par le trio n’est pas bien différente que celle adoptée sur Vital. Les guitares volcaniques, les drones distordus et les larsens texturés forment un monstre sonore qui ne fait qu’un avec le jeu de batterie minimaliste d’Hudson. Dès la percutante entrée en matière intitulée carvers, farriers and knaves, vous serez subjugué par la force de frappe du trio.

Mais ce qui distingue nature morte des précédents efforts de Big|Brave est sans contredit l’approche vocale sentie — c’est le moins qu’on puisse dire — de Robin Wattie. Dans the one who bornes a weary load, elle émet des inflexions et hurlements qui remémorent Kristin Hayter, alias Lingua Ignota, particulièrement celle qui exprimait sa souffrance avec une colère admirable sur Caligula. Et que dire de la guitare matraque en introduction qui fait subtilement place à un moment tempéré, celui-ci auréolé par la voix hantée de Wattie ? Franchement émouvant.

Le mur de son asséné par le trio est fracassant. Or, le mixage de Seth Manchester positionne juste assez à l’avant-plan la voix de Wattie. Même ses halètements sont discernables, malgré les violentes éruptions lancées par la formation.

Dans a parable of the trusting, les cymbales d’Hudson et la guitare de Ball sonnent comme un seul et même instrument. Sur my hope renders me a fool, les grondements et larsens se dissolvent en conclusion pour se transformer en un moment méditatif bouleversant. Et nature morte s’achève avec the ten of swords, un morceau exclusivement acoustique qui apaise après ce torrent sonore qui a tout détruit sur son passage.

nature morte est une œuvre qui évoque cette atmosphère anxiogène et paranoïaque qui s’infiltre sournoisement en Occident.

Big|Brave est devenu un important groupe montréalais qui mérite une bien meilleure reconnaissance dans ses propres terres…

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