Critiques

Ty Segall

Harmonizer

  • Drag City
  • 2021
  • 36 minutes
7

Depuis ses débuts, à raison d’une, deux ou même trois fois par année, l’Américain nous soumet à un barrage de parutions au point où un certain désintéressement s’était installé chez l’auteur de ces lignes. Mais cette semaine, le blondinet nous a pris par surprise avec la sortie de ce nouveau long format intitulé Harmonizer. Le dernier album officiel du rockeur remonte à First Taste paru en 2019 : un album polyphonique qui réunit koto, bouzouki, synthétiseurs rétro, saxophone, etc. Pour la plupart des artistes, cet écart entre deux sorties est banal. Pas pour Ty Segall.

En 2018, Segall affirmait qu’il souhaitait s’éloigner du rock, peut-être à la manière de son frère de son, John Dwyer (Oh Sees), qui expérimente de belle façon avec son amuse-gueule, Damaged Bug. Au cours des deux dernières années, le multi-instrumentiste en a profité pour se faire construire un studio qui porte exactement la même appellation que son nouvel album : Harmonizer Studios.

Coréalisé en compagnie de ce maître du krautrock synthétique qu’est Cooper Crain (Cave), Segall a fait appel ponctuellement à tous les membres du Freedom Band — son habituel groupe accompagnateur — ainsi qu’à son épouse Denée pour l’escorter dans cette nouvelle aventure sonore.

À sa façon, Harmonizer poursuit sur la lancée créative de First Taste. En misant sur l’apport des synthétiseurs, sans perdre la lourdeur et la puissance de ses chansons, le créateur plonge dans une nouvelle phase musicale qui sera intéressante à suivre. Sans être un long format totalement abouti, le virage emprunté met en évidence le talent mélodique de Segall. L’homme est devenu un excellent chanteur, fortement inspiré par le travail de Marc Bolan (T Rex). En plus de toutes ces nuances synthétiques, Segall branche sa guitare à même la console. Le son crasseux et rageur qui détonne par rapport à tous ces claviers est jouissif. Dans Erased — une sorte de stoner en toc —, ce contraste est plus que concluant.

Or, malgré cette tentative de transformation sonore, quelques chansons auraient mérité une meilleure « finition ». La pièce-titre et la conclusive Changing Cotours sont particulièrement linéaires. En contrepartie, Pictures, qui recèle des ascendants de la formation space-rock Hawkwind, et Ride, qui plonge dans le krautrock à la Can, sont réussies. Les influences garage-punk qui électrisent Feel Good — morceau coécrit avec son épouse — dynamisent l’écoute. Évidemment, Segall nous offre quelques déflagrations aux allures stoner. C’est Waxman qui remporte la palme dans cette catégorie.

Comme vous pouvez le constater, l’ADN rock est loin d’être relégué aux oubliettes chez Segall, et ce, malgré la « nouvelle » direction empruntée. En fait, il ne manque qu’une ou deux chansons de calibre supérieur pour faire de ce Harmonizer une production d’excellence. Pour la prochaine aventure, on souhaite à Segall de poursuivre sur son élan « kraut-synth », mais en portant encore plus attention au parachèvement de ses chansons.

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