Critiques

Torres

Torres

Thirstier

  • Merge Records
  • 2021
  • 35 minutes
7,5

Parmi cette magnifique horde d’autrices-compositrices-interprètes qui ont connu du succès ces dernières années — de Sharon Van Etten jusqu’à Phoebe Bridgers, entre autres — Mackenzie Scott, alias Torres, n’obtient toujours pas le rayonnement escompté. Et ce n’est pas faute de talent, loin de là. L’artiste est diplômée de l’Université Belmont en écriture chansonnière. Elle est une musicienne douée et une parolière inspirée.

Tout au long de son parcours, l’Américaine, originaire de Nashville, Tennessee, a toujours refusé le statu quo créatif. Après un premier album éponyme plus conventionnel (2013), Torres nous proposait une production résolument rock avec Sprinter (2015). En 2017, elle récidivait avec Three Futures ; un bon disque, mais peut-être un peu trop calqué sur le travail d’Annie Clark (St.Vincent). Au début 2020, elle présentait Silver Tongue ; une proposition qui accentuait le virage synthétique amorcé avec le précédent effort. Or, le rock n’est jamais bien loin avec elle.

Voilà donc Thirstier, son cinquième long format en carrière. Enregistré dans un studio situé au Royaume-Uni, elle a co-réalisé l’album en compagnie de Rob Ellis. L’homme est un proche collaborateur de PJ Harvey, jouant de la batterie sur les albums Dry (1992) et Rid of Me (1993).

Si sur Three Futures les écueils sentimentaux et amoureux constituaient la trame narrative de cette production, cette fois-ci, Torres emprunte un chemin littéraire plus ensoleillé. Dans le communiqué de presse fourni par la maison de disques, elle déclarait ceci : « Je voulais canaliser mon intensité vers quelque chose de positif et de constructif au lieu d’être intense de manière destructrice. En fait, j’aime l’idée que l’intensité puisse être quelque chose de salvateur et joyeux ». Concrètement, elle s’interroge sur ce qui pourrait survenir si chacun d’entre nous réalisait tous ses désirs et fantasmes. Dans la pièce-titre — morceau cathartique qui rassemble tout ce qu’elle peut accomplir —, elle nous en donne un bon indice :

The more of you I drink

The thirstier I get

– Thirstier

Musicalement, c’est le disque le plus exubérant et audacieux de Torres. Le son d’ensemble est explosif, ample, et ce n’est pas étranger à la réalisation qui évoque le travail de Butch Vig avec Garbage et Nirvana. La voix autoritaire de Scott est bien sûr aux avant-postes. En insufflant beaucoup d’euphorie à ces chansons, cet album de pop-rock synthétique devient jubilatoire.

Torres se démarque de ses semblables en assumant franchement son côté rock, en prenant bien soin d’être mélodiquement accessible, tout en ajoutant des rythmes pulsatifs à son arsenal. On est téléporté sur une piste de danse suintante dans Kiss the Corners. Keep the Devil Out est une pièce électro-rock mordante qui conclut l’album en apothéose. Hug From a Dinoasaur est un hymne qui mériterait d’entre entendu sur les radios commerciales.

D’ordinaire, le pop-rock est un genre musical qui laisse l’auteur de ces lignes de marbre. Toutefois, Torres est une artiste habitée par une indéniable authenticité et une réelle sincérité. Deux valeurs qui, de nos jours, se transforment trop souvent en concept publicitaire… On souhaite à Mackenzie Scott une diffusion plus élargie de son talent. Elle le mérite.