Critiques

Panda Bear + Sonic Boom

Reset

  • Domino Recordings
  • 2022
  • 38 minutes
7,5

Transformer de vieux succès des années 50-60 pour en tirer des hymnes psyché-pop doucement acidulés? C’est le projet un peu décalé auquel se sont attelés Panda Bear (Animal Collective) et Sonic Boom (Spacemen 3) sur leur nouvel album collaboratif, le délicieux Reset, qui nous arrive comme un cadeau estival inattendu avec ses voix à la Beach Boys et ses atmosphères à la fois enfantines et rêveuses.

Même s’ils sont peut-être davantage connus pour leur travail au sein de leurs groupes respectifs, Panda Bear et Sonic Boom ont aussi fait leurs armes individuellement au fil des années. En fait, c’est en solo que Panda Bear, de son vrai nom Noah Lennox, a pondu son véritable chef-d’œuvre, le classique Person Pitch, que Le Canal Auditif a même inclus dans sa sélection des albums parfaits, rien de moins.

Quant à Sonic Boom (Peter Kember pour les intimes), il a lancé en 2020 l’excellent All Things Being Equal, son deuxième album solo en carrière, mais le premier en 30 ans. Kember est aussi un réalisateur de disques aguerri, ayant travaillé avec des noms comme Beach House, MGMT et bien sûr Panda Bear, dont il a réalisé les albums Tomboy (2011) et Panda Bear Meets the Grim Reaper (2015). Les deux musiciens se connaissent très bien et sont depuis devenus des amis proches. Ils vivent aujourd’hui tous deux au Portugal, où l’idée d’un album en duo a pris forme.

L’histoire officielle (celle racontée dans le communiqué de presse de Domino) veut que le concept derrière Reset soit né au moment où Kember a fait livrer sa collection de vinyles au Portugal. Ébloui par le plaisir de redécouvrir ses vieux disques d’Eddie Cochran et des Everly Brothers, il s’est imaginé en utiliser des fragments pour en tirer de nouvelles chansons, qui s’écouteraient autant comme un hommage à cette époque dorée que comme un clin d’œil au caractère cyclique des modes.

C’est d’ailleurs sur un échantillon d’Eddie Cochran que s’ouvre l’album, alors que les accords de sa chanson Three Steps to Heaven servent de matériau de base à l’exquise Gettin’ to the Point. Enregistrée en janvier 1960, Three Steps to Heaven est devenu un hit posthume pour Cochran, tué trois mois plus tard dans un accident de voiture. Kember n’en utilise que les premières secondes, mais en les répétant en boucle, tandis que Lennox y va d’une mélodie ensoleillée sur un texte qui respire l’été : « Like a Coca-Cola in the system, I’m letting it engineer the atmosphere ».

Le mariage est si réussi qu’on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un tube perdu des années 60, surtout que la voix de Panda Bear ressemble à s’y méprendre à un jeune Roger Daltrey des Who qui chanterait The Kids Are Alright. L’addictive Edge of the Edge constitue un autre moment fort du disque, construite celle-là sur un échantillon de la chanson Denise de Randy & the Rainbows, un succès doo-wop de 1963. Une fois de plus, Lennox trouve le ton exact pour reproduire l’atmosphère et la naïveté de l’époque, tandis que Kember y ajoute des claviers rétrofuturistes.

Si le concept de base semble avoir été initié par Kember, Lennox n’a jamais caché sa fascination pour la musique des années 50-60. J’ai en tête l’échantillonnage de la chanson Wipe Out des Surfaris dans FloriDada d’Animal Collective, ou encore les harmonies à la Beach Boys sur Person Pitch. Quelques chansons sur Reset évoquent d’ailleurs cette atmosphère, dont la plus expérimentale Whirlpool.

Si certains morceaux sonnent davantage comme des esquisses qu’on aurait aimé voir poussées plus loin, Panda Bear et Sonic Boom ont eu le brio de ne pas en faire trop afin de garder intact l’esprit de légèreté à la base du projet. Ce n’est certes pas leur travail le plus poussé sur le plan de l’expérimentation sonore, mais c’est un disque lumineux qui tirera un sourire même au critique le plus grincheux.

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