Jenny Hval
Blood Bitch
- Sacred Bones Records
- 2016
- 37 minutes
Cette chanteuse et compositrice née en Norvège avait fait paraître l’an dernier un Apocalypse, Girl qui avait attiré l’attention de quelques médias branchés. Chez nous, l’ami LP Labrèche avait somme toute apprécié le plus récent effort de la dame, même si la partie un peu trop expérimentale de la pop de Jenny Hval l’avait quelque peu refroidi. La musique de Hval peut se comparer à celle de Julianna Barwick, Julia Holter, Grouper et autres consorts d’une pop champ gauche de haut niveau. Elle était de retour à la fin du mois de septembre avec une nouvelle œuvre: Blood Bitch.
Et le titre fait foi de tout. L’hémoglobine est le thème central et récurrent de cette création, mais pas le sang de la violence, pas celui qui est largement médiatisé et qui fait croire aux gens que l’on vit dans une société de plus en plus brutale. Hval propose plutôt un traité féministe comme il s’en fait trop peu. Elle aborde de front des sujets peu explorés dans la musique pop contemporaine: menstruations, vampirisme, purification par la saignée, stimulation clitoridienne, etc.
Même si de prime abord le propos peut paraître dérangeant (du moins, pour le mélomane peu familier avec l’univers artistique dit «contemporain»), la musique, elle, se veut vaporeuse et souvent onirique: un véritable baume sur les plaies à vif de Jenny Hval. C’est ce superbe jeu d’équilibriste entre les thématiques provocatrices et cette pop empirique qui fait de ce Blood Bitch une réussite.
Hval brouille les pistes tout en demeurant pertinente, mélodiquement parlant. On pense souvent à Anne Clarke, Kate Bush et même Lana Del Rey. La référence à l’Américaine se révèle dans les moments plus «détachés» de l’album. Pour être franc avec vous, ce disque me réconcilie avec l’électro pop aux accents new wave qui pullule actuellement qui se veut trop souvent consensuel. Hval se différencie de ses semblables à l’aide de rythmes synthétiques enjoués qu’elle conçoit et qui viennent amenuiser le penchant éthéré de son œuvre. Avec Blood Bitch, Hval a trouvé la parfaite harmonie entre expérimentations et pop intelligible… même si j’aime beaucoup lorsqu’elle brouille les pistes comme dans l’étrange The Plague; un morceau où on a l’impression qu’un auditeur tente de syntoniser sans succès une station radiophonique. Assez déstabilisant et anxiogène.
Parmi les autres pièces qui sont venues m’émouvoir, j’ai adoré la performance vocale de Hval, aussi étonnante que précise, entendue dans Secret Touch. Le refrain discret dans Female Vampire fait aussi sa place au fil des auditions et j’ai pensé un peu à Björk dans Conceptual Romance. Bien entendu, ce Blood Bitch s’écoute d’un seul trait pour en apprécier sa pleine substance.
Le nouveau disque de Jenny Hval est aussi virulent que magnifique, tout aussi brillant qu’impétueux. Tout au long de l’écoute, j’ai ressenti toute la détermination de l’artiste d’en découdre avec le paternalisme machiste et le conservatisme ambiant tout en proposant un emballage sonore ingénieux aux antipodes du monde marketisé dans lequel on vit. Pas de doute, c’est le meilleur disque Jenny Hval.
Ma note: 8/10
Jenny Hval
Blood Bitch
Sacred Bones Record
37 minutes