Critiques

Émile Bilodeau

Au bar des espoirs

  • Bravo Musique
  • 2023
  • 37 minutes
7,5

Dur de réaliser un début de carrière aussi étincelant que celui d’Émile Bilodeau. Après avoir raflé une volée de prix dans les concours-vitrines du Festival en chanson de Petite-Vallée ou du Festival international de la chanson de Granby, entre autres, le cass et la crise existentielle du jeune auteur-compositeur-interprète québécois ont eu l’effet de propulser l’artiste à la célébrité dès l’âge de 20 ans, en 2016. Seulement, cela fait déjà sept ans, Émile Bilodeau ne se retrouve plus à parler de la réalité cégépienne ou autres préoccupations d’un vieil adolescent, tandis que le musicien nous revient aujourd’hui avec sa cinquième parution, Au bar des espoirs.

Bilodeau nous invite alors durant l’écoute à nous attarder à un bar un peu moins morbide que celui de Pierre Lapointe, malgré le fait qu’il estime cette ligne entre la floraison des attentes les plus démesurées et le tombeau des rêves sans limites plus mince que beaucoup ne pourraient l’imaginer. Dès l’entame de la chanson-titre du projet, on se questionne si le musicien n’avait peut-être pas fait un petit tour dans la boîte de jazz de Michel Jonasz. Se glissant dans la peau d’un serveur qui entend à longueur de journée les drames de ses clients, Bilodeau ouvre son dernier opus d’une instrumentation jazz dont on le connaît moins familier, craignant un jour de se « retrouver de l’autre côté de [son] bar ». À la première écoute, une musique aussi différente que ses propositions passées pourrait laisser supposer un virage drastique de la part de l’artiste sur l’album, même si, dès les morceaux suivants, on le sent revenir dans son folk rock chéri, sa zone de confort.

Si la musique n’éloigne pas pleinement les auditeurs de Bilodeau de la première heure, les textes d’Au bar des espoirs ont pour leur part le mérite de surprendre. Oui, on perçoit encore cette touche insolente, rappelant les morceaux de Philippe Brach (avec qui, doit-on le rappeler, Émile Bilodeau a fait ses premières armes), mais le natif de Longueuil ne semble plus animé de ce caractère militant si bouillant de ses débuts. Si les premiers albums de Bilodeau laissaient cette impression d’entendre Gabriel Nadeau-Dubois derrière un micro et une guitare, Au bar des espoirs donne davantage l’idée d’une introspection, d’une période où l’artiste de 27 ans décide de poser un point sur sa vie.

Je veux, je veux

M’accorder, m’accorder

Un peu, un peu de temps

Pour moé

– Mauvais temps

Peut-être est-ce les événements de la Saint-Jean 2023, les récents malheurs de sa vie amoureuse, l’approche de la trentaine, mais quoi qu’il en soit, on perçoit un Émile Bilodeau plus axé sur lui-même, une autre facette de l’artiste.

Une rupture a le pouvoir d’offrir plus d’inspiration artistique que nulle autre aventure, et Émile Bilodeau semble avoir saisi l’opportunité. Peut-être un peu trop? Après s’être séparé de son ex-compagne dans le courant de l’année, l’artiste folk mentionne l’événement de nombreuses fois dans Au bar des espoirs, au point où le sujet devient peu à peu redondant. Saluons tout de même l’artiste pour être parvenu à passer par des avenues originales, d’autres façons de traiter le sujet, tel que son désir que « le plus-que-parfait subjonctif continue jusqu’à l’infinitif » sur Mauvais temps, ou les parallèles ingénieux entre la saison morte, le printemps et sa relation qui périt sur La saison des sucres. Nous ne sommes plus dans les années 60, toutes les chansons de rupture ont déjà été écrites. Il faut bien trouver un moyen plus audacieux de raconter l’histoire de son cœur brisé.

Alors que l’album tire à sa fin, Bilodeau surprend une dernière fois avec Pas si différents, une chanson aux allures jazz rappelant l’ouverture du projet. L’auteur-compositeur-interprète invite Simon Kearney sur le morceau, sous-titré simplement la toune à Kearn, musicien et réalisateur de ce cinquième projet. Sur la pochette, on aperçoit le fameux Kearney, ainsi que Ghyslain-Luc Lavigne, derrière la prise de son et le mixage d’Au bar des espoirs, tous deux crédités sur la jaquette aux côtés du nom de l’artiste principal. Un magnifique exemple de savoir respecter les métiers de l’ombre, sans qui les vedettes en pâtiraient bien plus.

Fier et fervent indépendantiste, Bilodeau ne pouvait conclure sur autre chose qu’une ode au Québec. Fleuve remplit la noble tâche. Et pourtant, le musicien explique aimer sa Belle Province sur la route, suggérant même dans les couplets de partir deux années à s’ouvrir au monde.

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