Critiques

Andy Shauf

The Neon Skyline

  • Anti- Records / Arts & Crafts
  • 2020
  • 35 minutes
7

Quatre ans après avoir été révélé grâce à l’album The Party, retenu sur la courte liste du prix Polaris en 2016, le Saskatchewanais Andy Shauf nous arrive avec The Neon Skyline, officiellement son sixième album en carrière (sans compter celui lancé en 2018 avec son groupe Foxwarren). Le musicien reprend là où il a laissé en offrant un disque aux influences des années 60-70, un peu désinvolte dans le ton.

La force de The Party résidait dans sa cohérence. Sans être un album concept, toutes les chansons semblaient appartenir à un seul et même univers, la plupart situées dans le contexte d’une fête où tout le monde ne s’amusait pas égal, mettons… En cela, la plume d’Andy Shauf rappelle un peu Paul Simon dans cette capacité à donner vie à des personnages, dont certains réapparaissent d’une chanson à l’autre. On se surprend même à s’attacher à leur histoire, comme les protagonistes d’une série.

Il y a de ça aussi dans The Neon Skyline, alors qu’une certaine Judy, qu’on devine être une ancienne flamme que le narrateur espère reconquérir, revient d’un titre à l’autre à la manière d’un leitmotiv. Dans le premier extrait Things I Do, il tente de lui faire une surprise en se pointant là où il n’était pas attendu, mais la surprise se retourne contre lui : 

« Thought you’d be happy to see me but you said,

« What the hell are you doing here? »

Why do I do the things I do when I know I am losing you? »

Things I Do

Les histoires que Shauf raconte restent simples, tirées d’un quotidien auquel on peut tous d’identifier. La plupart des titres sont campés dans un décor nocturne, celui des bars (sans doute le Neon Skyline de la pochette), là où l’alcool peut faire ressortir le meilleur, mais surtout le pire de nous. Sur l’excellente Try Again, c’est l’envie et la jalousie qui s’emparent du narrateur lorsqu’il aperçoit Judy renouer avec une vieille connaissance : 

« Somewhere between drunkenness and jalousy,

I watch her talking to some old friend

What a reunion, he recognized her from across the room

How many years could there be to catch up on?

And somewhere drunkenness and honesty,

I make a silent toast to the things that I do and don’t miss ».

Try Again

L’instrumentation se veut riche et variée. Shauf, multi-instrumentiste de grand talent, joue d’ailleurs de la plupart des instruments lui-même. S’il y avait déjà une couleur jazz sur The Party, elle s’exprime ici un peu plus clairement, non seulement dans les sonorités (la clarinette joue un rôle de premier plan), mais aussi dans les rythmes et la batterie souvent feutrée. On y entend également des influences folk, de Dylan à Neil Young en passant par Crosby, Stills & Nash, avec en plus un côté soft rock qui me rappelle le récent Soft Landing du compatriote Sandro Perri. On s’ennuie un peu toutefois des arrangements de cordes qui donnaient une dimension plus dramatique aux titres de The Party, comme Twist Your Ankle ou Begin Again. The Neon Skyline s’avère d’ailleurs plus léger et désinvolte dans le ton, comme si Shauf s’était gardé une certaine distance cette fois par rapport aux personnages qu’il a créés, ce qui fait aussi qu’on s’identifie un peu moins à son univers, malheureusement.

The Neon Skyline demeure néanmoins un album de qualité, à la fois réconfortant et sympathique dans ses textures. Des titres comme Clove Cigarette, avec sa rythmique bondissante, ou Changer, qui clôt le disque sur une note plus mélancolique, figurent parmi les meilleurs que Shauf ait écrits. C’est juste que l’effet de surprise qui avait fait de The Party une des belles sorties de 2016 n’est plus le même…