Concerts

Festival en chanson de Petite-Vallée 2023 | Jour 1 et 2 : Louis-Jean Cormier et Q052

Pour ces deux premières soirées en terre gaspésienne, j’avais de prime abord rendez-vous samedi soir avec Louis-Jean Cormier. Sans contredit, l’auteur-compositeur et réalisateur est l’un des artistes québécois parmi les plus importants de sa génération.

Ça faisait un bon bout de temps que je n’avais pas vu et entendu sur scène l’artiste originaire de Sept-Îles. C’est en format esseulé qu’il avait convié le public au Théâtre de la Vieille Forge de Petite-Vallée.

Par ailleurs, en route vers ce charmant village, mes oreilles avaient été passablement titillées par le rap « vieille école », influencé à la fois par Eminem, Beastie Boys et Rage Against the Machine, de Quentin Condo, alias Q052. Ce fier artiste autochtone aborde de front des sujets difficiles : femmes autochtones assassinées, environnement et incarcération de ses concitoyens, entre autres. Son concert avait lieu, lui aussi, au Théâtre de la Vieille Forge, dimanche soir.

Credit photo : Alexandre Cotton

Louis-Jean Cormier : joyau de la chanson québécoise

Entouré par deux écrans sur lesquels étaient projetées de superbes images graphiques, Louis-Jean Cormier s’est présenté sur scène, magnifiquement éclairé et armé d’une simple guitare acoustique. Ses deux jambes, elles, servaient de grosse caisse afin d’accompagner rythmiquement les relectures dépouillées de ses chansons.

Le plus récent album de l’artiste, Le ciel est au plancher (2021), est un émouvant hommage à son paternel décédé en janvier 2020. La vaste majorité de ce concert solo s’articule autour des pièces de ce long format. Celles et ceux qui ont approfondi cette création ont constaté à quel point Cormier est un arrangeur inventif, lui, qui a nappé les chansons de son opus dans un enrobage synthétique / jazzistique. Or, ce qui impressionne dans ce spectacle, c’est l’exécution sans faille de Cormier. D’une parfaite justesse, la voix de l’auteur-compositeur a gagné en rondeur et en profondeur avec les années. Et que dire de son jeu de guitare fluide et précis ?

L’homme est aussi un narrateur d’exception. Après une série de quatre pièces, il s’est arrêté net pour nous avouer qu’il avait envie d’imbriquer ses prochaines chansons l’une dans l’autre. Sans surprise, plus tard dans le concert, il s’est arrêté de nouveau en nous racontant qu’il avait récemment suivi des cours d’hypnose et qu’avec l’aide de nos respirations méditatives dans nos glandes pinéales respectives, il allait tenter de nous faire sortir de notre corps. De cette manière, on pourrait peut-être mieux s’infiltrer dans son esprit pour « communier » avec lui… Tout ce désopilant délire, ésotérique et humoristique à la fois, allégeait habilement l’atmosphère somme toute assez solennelle de ce concert.

Il nous a également servi une ingénieuse relecture de J’haïs les happy ends, succès tiré de son premier album Le treizième étage, qu’il a agrémenté du riff emblématique de Master of Puppets de Metallica. De plus, il nous a présenté quelques classiques remaniés de Karkwa, Marie tu pleures et Échapper au sort, entre autres. Enfin, il a conclu cette impeccable prestation avec Tout le monde en même temps joué dans une tonalité assez éloignée de la version originale.

En rappel, le sympathique auteur-compositeur a fait appel à sa fille Camille afin d’interpréter une émouvante version de Silence Radio, pièce extraite de son tout dernier album. La pomme n’est bien sûr pas tombée bien loin de l’arbre. La progéniture de l’artiste a beaucoup de talent.

Ce fut une soirée touchante, drôle et surtout impeccable, musicalement parlant.

Crédit photo : Alexandre Cotton

Q052 : du rap « vieille école », mais efficace

Ceux qui me lisent, en diagonale ou avec attention, savent que j’aime mon hip-hop quand il est livré en format expérimental ou abrasif. Dans le cas de Q052, c’est certainement la deuxième option qui prime. Dans un festival rassembleur comme celui de Petite-Vallée, je souligne la prise de risque d’avoir inclus dans la programmation l’artiste autochtone originaire de Gesgapegiag, réserve micmaque située sur la péninsule gaspésienne.

Accompagné par un groupe formé de cinq musiciens ultras compétents, dont l’excellente guitariste Raphaëlle Chouinard (Les Shirley), Quentin Condo nous a livré ses textes revendicateurs avec aplomb sur une musique remémorant à la fois Rage Against the Machine et Eminem. Le rappeur s’attire ma sympathie grâce à son charisme, à son « flow » percutant et à sa performance scénique d’un dynamisme impressionnant.

Même si quelques chansons se sont conclues de manière bâclée, tout ça était promptement relégué aux oubliettes lorsque la formation improvisait à la fin de certaines pièces. Fait très amusant à noter, tout au long du concert, le rappeur a martelé « La Gaspésie » au point où le public éparpillé dans la salle a emboîté le pas sans que Condo n’ait rien demandé, ce qui a bien sûr réjoui le performeur ainsi que l’auteur de ces lignes.

Le spectacle s’est conclu avec une chanson en l’honneur d’une autre rebelle, malheureusement méprisée de son vivant et qui est disparue la semaine dernière, Sinéad O’Connor. Avec un « fuck the pope » bien senti, la formation a entamé une version vitaminée de Rezolutionnary, pièce parue sur l’album The Storm (2022).

En rappel, Condo est revenu sur scène avec son MC pour nous interpréter une chanson anti-caquiste bien sentie de même que des relectures de Cocaine Blues de Johnny Cash et d’I Wanna Get High de Cypress Hill. Si Q052 passe près de chez vous, allez le voir. Même si son rap engagé, décapant et « old school » n’est pas votre tasse de thé, vous serez probablement conquis par l’énergie déployée par le rappeur et ses accompagnateurs.

La carte postale du week-end :

Si vous avez déjà sillonné la route 132 pour vous rendre en Gaspésie, vous avez sûrement constaté que le paysage est absolument magnifique… à moins que vous soyez mort « en dedans ». Ma partenaire de voyage et moi avons pu faire le plein d’images mémorables qui, assurément, meubleront nos souvenirs de vieillesse. Or, un bon périple n’en est pas un s’il ne comporte pas son lot d’imprévus…

Nous devions prendre le repas du vendredi soir dans une sympathique microbrasserie située à Matane — La Fabrique, pour ne pas la nommer —. À peine quelques minutes après nous être installés confortablement au bar, un violent orage s’est abattu sur la ville provoquant une panne d’électricité. Après avoir attendu quelques minutes, nous avons dû nous résoudre à quitter l’établissement, nous contentant de casser la croûte dans un restaurant-minute générique localisé sur la 132.

Notre samedi soir fut plus paisible. En patientant pour le concert de Louis-Jean Cormier, nous avons doucement vidé une bonne bouteille de vin au Café de la Vieille Forge en posant nos regards vers l’immensité du Golfe Saint-Laurent.

Dimanche, nous avions planifié une journée sans alcool. Toutefois, l’idyllique coucher de soleil et une partie assez compétitive de Skip-Bo nous ont incités à succomber aux plaisirs de Bacchus. En attendant le concert de Q052, on a donc sifflé une bonne bouteille de rosé qui a figé en nous cette forte impression de vivre dans une bulle qu’on ne voudra pas quitter dans quelques jours…

Crédit photo: Alexandre Cotton

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