Festival en chanson de Petite-Vallée 2021 : la marée du grand héron
Cette année, le Festival en chanson de Petite-Vallée se décline en trois marées. La première était celle de Klô Pelgag qui arrivait avec un bon lot d’artistes talentueuses.
Soyons clairs. C’était excellent. Du début à la fin, les spectateurs ont eu droit à des concerts intéressants menés par des artistes aux démarches pertinentes et originales. Au menu : N Nao, Laurence-Anne, Lysandre, Safia Nolin, Marie-Pierre Arthur et Klô Pelgag, bien sûr.
Les découvertes
On savait de Lysandre qu’elle était talentueuse. Son EP Maison-Dieu paru en en septembre 2020 nous indiquait déjà qu’elle savait écrire de bonnes chansons. Son spectacle a non seulement confirmé cela, mais en a rajouté avec beaucoup de nouvelles pièces d’un album à venir. Les nouvelles créations sont solides et livrées avec aplomb. Son groupe est composé de musiciens tout aussi capables : Marie-Claudel Chénard, Étienne Dupré et Samuel Gougoux. Une jeune artiste à suivre de près.
N Nao est une artiste qui a déjà les deux pieds implantés dans le milieu québécois. Elle est la fidèle accompagnatrice de Laurence-Anne, une des grand-mères à broil (on y reviendra) de Klô Pelgag, une musicienne expérimentale à la discographie riche et une autrice-compositrice-interprète qui commence à faire son bout de chemin. Il était tôt au camp en chanson lorsqu’elle a pris la scène en compagnie de Charles Marsolais-Ricard pour nous livrer les pièces de son EP La plus belle chose. C’était une très belle façon de commencer la journée.
Les valeurs sûres
Avec l’excentricité qu’on lui connaît, Laurence-Anne a livré principalement des chansons de son album Musivision paru plus tôt cette année. La performance était haute en couleur et livrée avec aplomb. La chimie qui opère entre Laurence-Anne, N Nao et Ariel Comtois est indéniable sur scène et c’est cet alliage qui solidifie la proposition artistique unique de l’autrice-compositrice-interprète. C’était un spectacle qui s’inscrivait bien dans la continuité de son projet de pop alternative. Et c’est bien tant mieux ainsi.
Safia Nolin pour sa part a surpris avec une bonne dose de rock dans sa proposition scénique. Les chansons avaient du mordant et les arrangements rock emo lui siéent très bien. Dagues est un bon exemple de ce changement. On passe d’une pièce douce et vulnérable à une version poignante. D’abord gêné au micro, Nolin a repris ses bonnes vieilles habitudes au milieu du concert et tout le monde dans la salle riait de bon cœur. Elle a peu pigé dans Limoilou et s’est principalement concentrée sur l’album Dans le noir. Un concert qui a bien terminé la journée de vendredi.
Les grosses pointures
Par où commencer? Le concert de Marie-Pierre Arthur était de la bombe. Rien de moins. Ça sonnait comme une tonne de brique. Celle qui est chez elle à Petite-Vallée a livré des chansons de son répertoire avec un aplomb exemplaire, un plaisir contagieux et une grande générosité. De plus, elle a été rejointe sur scène par ses trois nièces Justine, Sabrina et Élise pour faire quelques chansons, dont une version magnifique de Le vent m’appelle par mon prénom. Bon je dis nièces, mais ce sont des adultes! Il faut dire que les chœurs de voix donnaient beaucoup de puissance aux chansons d’Arthur. Elle était accompagnée d’Adèle Trottier-Rivard, Nicolas Basque (Plants and Animals), Robbie Kuster, Erika Angell (Thus : Owls) et bien sûr François Lafontaine (Karkwa). C’était un excellent concert. Si elle passe dans votre coin avec ses Feux pour voir, faites comme le chevreuil et précipitez-vous-y.
Arthur n’est pas la seule qui a impressionné par ses capacités sur scène. On va mettre une chose au clair : Klô Pelgag est rendu à un autre niveau. Elle était déjà très bonne sur scène, mais là c’est ridicule. On a affaire à une artiste de la trempe de Diane Dufresne. Rien de moins. En plein contrôle de son art, elle a aussi pris des choix qui lui sourient. Avec Virginie Reid aux claviers, cela lui donne une plus grande liberté. Elle n’est plus rivée aux siens. Elle peut prendre de la liberté sur scène et elle la prend. Ses interventions sont plus ramassées et l’ensemble du spectacle est simplement parfait. Rajoutez à cela le trio de voix incroyable des Grands-mères à Broil : Laurence-Anne, N Nao et Lysandre ainsi qu’un groupe de musiciens architalentueux. Principalement formé des chansons de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs avec quelques autres pièces des deux albums précédents. Ajoutez à cela un petit vidéo où les écoliers de la région ont chanté Les animaux.
La puissance
Cette marée s’est close sur un spectacle mis en scène par Philippe Brach avec les participantes de la marée. Je peux vous dire une chose, quand les voix de Klô Pelgag, Marie-Pierre Arthur, Safia Nolin, Laurence-Anne, N Nao et Lysandre s’unissent pour pousser un refrain, ça donne des frissons particulièrement pendant Des feux pour voir d’Arthur. Encore une fois le groupe de Klô était là pour assurer la qualité irréprochable de la musique : Étienne Dupré, Virginie Reid, Pete Petelle, François Zaidan. C’était le fun de voir tout ce talent rassemblé chanter et jouer les tounes des unes et des autres. Le plaisir d’être sur scène ensemble était palpable et se ressentait dans la salle. Safia Nolin a récolté des applaudissements nourris après une interprétation intime de Dagues. Le concert était lié par des messages des mères des artistes qui répondaient à un appel de Klô Pelgag qui leur demandait de lui parler de leurs filles. La création ayant eu lieu à la fête des Mères à la Place des Arts, c’était tout naturel.
Hors-série
D’autres habituées du festival sont venues faire leur tour. Les Sœurs Boulay ont donné un premier concert depuis longtemps. Les deux Gaspésiennes étaient accompagnées de deux musiciens, dont Francis Mineau (Malajube). Elles étaient visiblement heureuses de se retrouver, y allant de quelques boutades. Au niveau des arrangements, c’était archisimple. Ce n’est pas le meilleur concert de la paire que j’ai vu, mais après un et demi de pandémie, c’est le genre de rouille qui est tout à fait acceptable. Ça demeure une belle heure et demie (environ) de douceur en chanson où on a même entendu en primeur une nouveauté.
C’est une première marée fort réussie à Petite-Vallée. La prochaine sera menée par Tire le Coyote. On en reparle bientôt.
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire