Critiques

marie pier arthur des feux pour voir

Marie-Pierre Arthur

Des feux pour voir

  • Simone Records
  • 2020
  • 36 minutes
8
Le meilleur de lca

Déplaçant les contextes pour en faire en une remise à jour du son qu’elle a forgé au fil de ses trois disques précédents, Marie-Pierre Arthur conserve une température chansonnière nettement plus fraîche avec des climats planants; des chansons nappées de claviers comme autant de brume légère qui se dissipe au fur et à mesure qu’elle avance, que nous avançons, vers une destination inconnue.

Des feux pour voir propose un recueil de huit chansons à la croisée des chemins entre folk, rock et pop, truffées d’ingénieux claviers; des chansons qui s’éloignent de la facture musicale des albums précédents avec d’audacieux arrangements, des cassures de rythmes parfois, mais toujours avec ses mélodies prenantes. On le constate d’entrée de jeu : la voix éthérée de la bassiste-chanteuse-compositrice de 41 ans monte toujours avec la même caressante douceur. Le temps qui passe lui a donné de la bouteille.

Arrivée en 2009 avec un premier disque éponyme sur Bonsound, suivi de Aux alentours en 2012, disque sélectionné sur la liste du Prix Polaris, 5 nominations et un Félix de l’album de l’année à l’ADISQ pour Si l’aurore en 2015 (Simone Records) pour son troisième album, Marie-Pierre Arthur a donc fait son chemin avec beaucoup de flair et d’élégance.

En tant que bassiste, on garde le précieux souvenir d’un spectacle de Stefie Shock le 25 juillet 2008 dans le Pavillon magique aménagé dans le Parc des festivals lors des Francos de Montréal. De la dégaine, de la pêche, de l’aplomb, Stefie Shock était le plus veinard des musiciens ce jour-là ! Et que dire de sa performance à la Scène des arbres Galaxie à Osheaga en 2010, quelques jours seulement après avoir accouché ! Même désinvolture animée d’un urgent désir de reprendre les armes.

Pas de les déposer, comme l’une de ses meilleures tounes, Déposer les armes, chanson qui rivalise avec Rien à faire et Pourquoi parmi son best des derniers dix ans.

Premier constat après l’écoute des huit chansons ? Des feux pour voir (magnifique tableau d’Élise Lafontaine sur la pochette) a été conçu par deux allumés en mal d’émotions neuves : Arthur et le claviériste François Lafontaine ont co-réalisé l’album avec Sam Joly. Et les Joe Grass, Nicolas Basque, Robbie Kuster, Olivier Langevin, Erika Angell, Lisa Moore ont complété l’équipe. Pierre Girard est à la prise de son et au mixage.

Les textes de Marie-Pierre Arthur, écrits avec Gaële ainsi qu’avec la contribution d’Émilie Laforest, Laurence Nerbonne et Louis-Jean Cormier coulent parfaitement dans le sillon de la Gaspésienne qui s’abreuve avec flair à plusieurs sources.

La guerre commence lentement dans la lumière, rien ne presse, les guitares graciles amènent l’épilogue à un tout autre autre niveau. Les nuits entières est douce et planante, puis le côté orchestral magnifie le tout avec des cordes arrangées par Mélanie Bélair, les voix se fondent dans l’écho. On retrouve une évocation en plan plus large dans notre imaginaire!

Tiens-moi mon coeur privilégie les synthés, mais change la cadence en chevauchée tambour battant, la voix est en filigrane, à distance de ciel. Faux revient en accalmie, comme un intermède après cette mise en bouche des deux premières chansons. Dans tes rêves est la toune qu’on pourrait qualifier de « pop soul adulte contemporain », ce n’est pas péjoratif, mais juste à écouter on saisit l’intention. Des feux pour voir est armée d’un rythme pesant et de distorsions contrôlées des guitares et la basse pulse en avant à grand coup de griffes et de crocs.

Les nuages tombent dévoile ce même début en douceur et une fin plein effectif, le cap est maintenu : Marie-Pierre Arthur est tantôt agressive, tantôt plus retenue dans ses élans, nouvelle preuve éclatante du réel talent et de la maîtrise de ses compositions. Puits de lumière, écrite par Louis-Jean Cormier, est une réconfortante sortie faite d’harmonies douces, de piano et de discrètes pincées de cuivres. On en ressort serein et repu. Pas d’agitation dansante sur ce quatrième tome de sa jeune discographie, mais tout de même un grand disque qui annonce le printemps avant l’heure !