Critiques

Eels

The Deconstruction

  • E works
  • 2018
  • 42 minutes
7,5

Après la sortie du déprimant The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett (2014), le bon E – meneur incontesté de Eels – a réfléchi sérieusement à mettre fin à sa carrière. C’eut été une immense perte, car l’homme a dans sa besace une poignée de grands albums qui, sans nécessairement connaître un succès de masse effarant (est-ce qu’on s’en fout ?), ont réussi à fédérer d’innombrables mélomanes. De Beautiful Freak (1996) – contenant le superbe succès Novocaine for the Soul – en passant par les émouvants Electro-Shock Blues (1998) et Blinking Lights and Other Revelations (2005), Everett nous a toujours scié les jambes avec ses chansons douces-amères.

Mais le talentueux multi-instrumentiste, épuisé par l’alternance des tournées et des sorties de disques, a pansé ses plaies et a surtout repris des forces. Ainsi, il nous revient avec une nouvelle création intitulée The Deconstruction : un 12e album pour Eels. Et je ne passerai pas par quatre chemins pour vous donner mon avis : cette production est une totale réussite.

On y retrouve un auteur-compositeur-interprète en pleine possession de ses moyens. Accompagné par ses fidèles acolytes, Kool G Murder (basse) et P-Boo (guitare, basse, claviers et batterie), bonifié par le Deconstruction Orchestra & Choir, Everett retrouve tous ses repères et nous propose son meilleur album depuis des lustres !

The Deconstruction est un disque lumineux et optimiste… à la manière de Eels. Le vague à l’âme n’est jamais bien loin avec Everett, mais cette fois-ci, l’espoir se pointe souvent le bout du nez. Ce disque est un petit chef-d’œuvre de désobéissance passive qui nous suggère d’en prendre et d’en laisser avec ce monde en perdition. Tout en évoquant le chaos ambiant, Everett présente des chansons qui détiennent un je-ne-sais-quoi de profondément apaisant; des pièces qui nous élèvent au-dessus de la mêlée. Lucides et optimistes à la fois.

Musicalement, le groupe demeure dans une certaine zone de confort, passant comme d’habitude du rock joyeux (Today is the Day) à un folk-rock introspectif (Premonition) pour nous achever avec des ballades bouleversantes. Impossible de demeurer insensible à l’écoute d’une pièce, certes nostalgique, mais ô combien criante de vérité, comme The Epiphany :

My old friend, please take me back,

to those houses in days so far away now.

Can I just go back ?

The Epiphany

Everett a toujours conçu des disques en montagnes russes, autant émotives que sonores, et The Deconstruction poursuit la tradition, mais avec une énergie renouvelée, comme si on renouait avec un ami qu’on avait imprudemment perdu de vue.

20 ans après des débuts fracassants, Mark Oliver Everett est devenu un créateur chansonnier indémodable, au style distinctif et sans prétention, qui garde un œil attentif sur l’état de ce monde. E est l’un des artistes parmi les plus sincères qui soient et dans un monde qui manque cruellement d’authenticité, l’homme est tout simplement un exemple à suivre, un phare dans la nuit.

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