Concerts

FIJM 2023 : Arooj Aftab, Vijay Iyer et Shahzad Ismaily au Monument-National, le 29 juin

Dans le cadre du Festival International de Jazz de Montréal (FIJM), le trio était en visite dans la métropole afin de présenter hier soir un concert au Monument-National. Compte-rendu d’une soirée réconfortante pour celui ou celle aux prises avec un vague à l’âme persistant…

En 2021, elle avait convaincu avec son album, Vulture Prince. Cette année, Arooj Aftab nous présentait un autre joyau contemplatif; album réalisé en compagnie de ses acolytes, le pianiste Vijay Iyer et le claviériste-bassiste Shahzad Ismaily. Paru en mars dernier, Love In Exile est l’un des meilleurs opus méditatifs parus cette année. Formé en 2018, le trio a développé rapidement une forte complicité après quelques concerts seulement. Ce sont ces résultats probants qui ont poussé les trois musiciens à enregistrer le fruit de leur travail.

Sans surprise, un piano, quelques claviers et un amplificateur de basse étaient aménagés au centre de la scène d’un Monument-National passablement rempli. C’est sous des applaudissements nourris et chaleureux qu’Aftab, Iyer et Ismaily se sont présentés sur scène. La sobriété de leurs vêtements n’avait d’égal que ces éclairages discrets, mais de bon goût, en parfaite adéquation avec la musique du trio.

L’ensemble nous a présenté quatre longues pièces préparées et improvisées à la fois, en plus d’une autre en rappel. Dès le départ, c’est le jeu de basse hautement inventif d’Ismaily qui a capté l’attention. Sur album, c’est la voix envoûtante d’Aftab et le jeu pianistique d’Iyer qui captivent. En concert, c’est la prestation du bassiste qui mérite d’être soulignée. En fait, son jeu est l’assise sur laquelle se déploient les morceaux du trio. Pendant que ses accompagnateurs construisaient des moments instrumentaux, Aftab se retirait, quasi impassible, tout près d’un tabouret sur lequel trônait une bouteille de vin. Elle en prendra quelques lampées tout au long du spectacle.

Lors du deuxième morceau, c’est l’économie de notes qui nous a étonnés. Le minimalisme compositionnel de cette pièce permettait à la voix d’Aftab de prendre toute sa place. Le silence dans la salle était quasi monastique. Je souligne ici la qualité d’écoute du public qui était pleinement « présent » à la prestation. Chose qui arrive rarement en ces jours hyperactifs…

La troisième pièce, elle, mettait à l’avant-plan des fréquences synthétiques et de subtils larsens qui étaient auréolés de nouveau par la voix céleste d’Aftab. La chanteuse, stoïque, semblait alors s’adresser à un ami décédé en répétant « Old friends, I see you again ». Pour le quatrième et dernier morceau, c’est la complicité fluide entre la basse et le piano, en plus de l’ingénieux crescendo en fin de parcours qui a marqué mon esprit.

Après avoir accepté avec humilité l’acclamation sentie du public, Aftab et Iyer se sont installés sur scène, attendant patiemment le retour d’Ismaily. La chanteuse a même fait une blague à ce sujet. Elle a conclu la soirée en mentionnant avec justesse, et avec un sourire dans la voix, ceci :  « The human condition is just pain ». Cette pièce ultime, et cinquième du concert, évoquait par moments, Reservations, le morceau conclusif de l’album Yankee Hotel Foxtrot de la formation américaine Wilco.

En soixante-quinze minutes bien tassées — on n’en aurait pris plus —, Arooj Aftab, Vijay Iyer, Shahzad Ismaily nous ont offert une grande leçon de modestie sonore.

Comme quoi la modération a parfois bien meilleur goût.

Crédit photo: Festival International de Jazz de Montréal

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