Critiques

Arooj Aftab + Vijay Iyer + Shahzad Ismaily

Love In Exile

  • Verve Records
  • 2023
  • 75 minutes
8
Le meilleur de lca

C’est par l’entremise du magnifique Vulture Prince que l’auteur de ces lignes a fait connaissance avec la chanteuse pakistano-américaine Arooj Aftab. Sur cet album lauréat d’un Grammy pour « Best Global Music Performance » pour la chanson Mohabbat, l’artiste conservait subtilement ses influences issues de la musique folklorique asiatique, mais y intégrait des instruments traditionnellement employés en Occident. Le résultat sonore, lui, avoisinait autant le nouvel âge que le jazz.

Formé en 2018, le trio Aftab-Iyer-Ismaily a développé rapidement une forte complicité au fil des quelques concerts, exclusivement basés sur l’improvisation, qu’il a présentés. C’est donc à la suite de ces prestations que les trois instrumentistes se sont donné l’autorisation de colliger les fruits de leur travail.

Enregistré en direct dans un studio new-yorkais, on pourrait qualifier Love In Exile de co-composition en temps réel tant les trois instrumentistes sont en symbiose. Il s’agit d’un album méditatif qui porte sur l’exil de soi, sur la recherche de la vraie liberté et de notre réelle identité dans un monde qui cherche constamment à nous éloigner de l’essentiel.

Le premier extrait, présenté à la fin du mois de février dernier, et titré To Remain/To Return, est une excellente entrée en matière pour découvrir l’univers sonore immatériel qui est proposé sur ce long format. Le morceau débute avec des trilles de synthétiseurs lancinants, gracieuseté d’Ismaily, qui font ensuite place au piano d’Iyer. À un moment tout à fait opportun, Aftab fait son apparition en auréolant la pièce de sa voix aussi apaisante qu’énigmatique. Elle s’introduit avec délicatesse dans le cadre préparé habilement par Iyer et Ismaily. Même si son arrivée attire fortement l’attention, elle ne surclasse jamais ses pairs. En fait, les trois musiciens sont parfaitement à l’écoute l’un de l’autre et n’empiètent jamais sur leurs plates-bandes respectives.

Parmi les meilleurs moments que nous avons recensés, la pianistique Shadow Forces possède un je-ne-sais-quoi de menaçant. Dans Sajni, la modulation mélodique, qui survient de manière inattendue, met en lumière le forte capacité d’adaptation vocale d’Aftab. Les larsens entendus dans Sharabi, évoquant une lointaine apocalypse, deviennent anecdotiques dès qu’Aftab intervient dans le morceau. La conclusion divine dans Haseen Thi met de nouveau la voix de la chanteuse à l’avant-plan. Fait à noter, les textes sont déclamés en urdu, la langue maternelle de la vocaliste.

Dans le communiqué de presse qui nous a été transmis par la maison de disques Verve, Vijay Iyer déclarait que « faire de la musique avec Arooj et Shahzad n’est rien de moins qu’une expérience spirituelle ». Et ça s’entend clairement !

Love In Exile est un magnifique révélateur de ce que l’apaisement peut accomplir pour nos corps meurtris et nos esprits agités. En ces temps parfois difficiles à supporter, la musique d’Arooj Aftab, Vijay Iyer et Shahzad Ismaily est un phare dans l’obscurité ambiante.

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