FEQ 2022 | Jour 8 : Freddie Gibbs
J’ai les batteries festivalières plutôt à plat. C’est donc après une bonne sieste que je me dirige pour voir la deuxième grosse pointure du rap américain qui vient ambiancer le FEQ cette année, nul autre que Freddie Gibbs. Depuis son projet collaboratif avec Madlib, le classique Piñata, il est à mon avis l’un des meilleurs rappeurs de la planète rap américaine. Quel coup de génie pour l’organisation d’avoir réussi à le faire venir à Québec, je suis excité comme un gamin. Impossible qu’une annonce d’orage tôt en soirée me décourage de monter la colline parlementaire.
La foule immense qui attend pour rentrer au parc de la francophonie est-elle là pour l’ancien gangster de l’Indiana ou pour la sensation virale Lil Tecca qui clôturera la soirée ? À voir la quantité impressionnante de coupe de cheveux à la Nick Carter et de croptops, je pencherais pour le petit Tecca. Pas question que je manque Gibbs pour faire la file, principalement ralentie par les fouilles corporelles (détecteurs de métal inclus) pour presque chaque festivalier.ère.s. On est à un spectacle de rap, donc évidemment qu’il y aura des règlements de compte… De la scène VIP, j’ai une vue imprenable sur la fine fleur du gangstérisme de Québec.
Comme pour Ludacris quelques jours plutôt, le DJ a la tâche de réchauffer la foule. Il ouvre avec Djadja d’Aya Nakamura, la touche francophone plaît à la foule ! Après quelques changements rapides entre différentes pièces, il lance Return of the mack, un succès R’n’B des années 90 pour accueillir un Freddie Gibbs tout sourire. La foule est dubitative, mais le rappeur est charismatique. Il demande à la foule de scander «Fuck the police!» avant de débuter Fake names où il montre ses couleurs musicales : un flow rapide et souple. Suivent Thuggin’ et Harold’s tirés de Piñata. Nous aurons donc droit aux succès récents de l’artiste qui roule sa bosse depuis le début des années 2000. La plupart des premières pièces sont débutées et terminées a cappella par Gibbs pour laisser toute la place à sa prosodie impressionnante. Une bonne idée puisque la basse engloutit beaucoup ses jeux de mots et rimes au courant de la soirée. La foule est un peu tiède, pourtant Gibbs semble en forme. Il sent que la foule «wanna get stupid» sur des rythmes trap, ce qu’il offre avec Amnesia et Triple Threat. Il s’essouffle un peu sur la deuxième pour se faire rattraper par la piste superposée jouant en arrière-plan. Le DJ ralentit alors le tempo avec un autre interlude R’n’B, de Mary J. Blige cette fois. Un « Olé-Olé» bien québécois s’élève de la foule, le rappeur ne comprend rien et rigole en entendant le chant. Il demande alors à la foule de se la fermer.
S’ensuit un petit discours de Gibbs qui prend l’allure d’un choc des générations. Il explique qu’il n’en a rien à foutre de TikTok, car il est un gangster qui s’est tourné vers le rap. Que tout ce qu’il sait faire c’est rapper. La foule d’adolescents ne sait pas trop comment réagir. Un moment délectable ! Est-ce qu’il est froissé par le fait de passer après un jeunot viral de 20 ans en la personne de Lil Tecca ? Mystère. Sûrement que tous les verres d’alcool que lui verse sa copine sur la scène exacerbent son dédain pour le réseau social. Ses plaintes se terminent plus vite que celles de Kanye West (heureusement) et alors résonne l’échantillonnage de guitare acoustique de Crime Pays. Le parfait mélange entre la délicatesse musicale du soul et l’agressivité du passé criminel du rappeur. À ce moment, une pluie légère tombe sur le site depuis un moment, mais au deuxième refrain, alors que la foule hurle « Crime Pays » un éclair éclate au-dessus de nos têtes. Le grondement du tonnerre est brutal, proche du site. La foule, comme Gibbs, n’en a rien à foutre d’un peu de pluie.
Malheureusement, les éclairs sont de plus en plus près de nous, et un torrent nous tombe sur les épaules. L’organisation stoppe le son du rappeur au beau milieu d’une chanson. Sans pouvoir remercier la foule, nous devons quitter le site, mais un dernier « Olé-Olé» lui est chanté. À travers les techniciens sur la scène, on peut apercevoir un large sourire sur le visage du Gangster Gibbs qui a réussi à clôturer la soirée finalement. Désolé Lol Tecca.