Critiques

Voivod

Synchro Anarchy

  • Century Media Records
  • 2022
  • 48 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Nous y sommes enfin!

En 2018, je suis littéralement retombé en amour avec Voïvod. Bon, ils n’ont jamais été bien loin de mon cœur et de mes oreilles de mélomane, mais disons que The Wake a rallumé la flamme. Ma passion pour le quatuor remonte à très loin. Tellement loin en fait que je ne me souviens plus du tout de la première fois où j’ai entendu un de leurs albums. Était-ce une cassette copiée par un cousin? Le vinyle d’un de mes oncles? Je n’arrive même pas à dire quel album j’ai entendu en premier (probablement Killing Technology, mais j’ai des doutes). Quand enfin je suis devenu assez vieux pour aller les voir en spectacle, Snake n’était même plus dans le groupe, remplacé par l’Américain Eric Forrest. C’était au Polliwog de 1997 et une dame d’un certain âge était près de nous dans la foule et nous disait avec fierté que son fils était le guitariste. Vous avez bien lu les jeunes, j’étais dans un show de Voïvod avec la mère du regretté Denis D’Amour, alias Piggy.

Mais bon, tout ça pour dire que pour moi, Voïvod est un trésor national au même titre que Denis Villeneuve. D’ailleurs, permettez-moi un parallèle douteux avec cette affirmation : ce groupe-là est un peu le Dune du métal. Comme Frank Herbert, Piggy, Michel «Away» Langevin, Denis «Snake» Bélanger et les autres ont créé une œuvre colossale, dense et hermétique pour les non-initiés, mais purement addictive pour les amateurs de science-fiction. J’ai cru que la mort de Piggy serait la fin du groupe, mais c’était sans compter sur la recrue Dan «Chewy» Mongrain. En studio, il est là depuis Target Earth, mais c’est avec The Wake qu’il a vraiment trouvé sa place au sein de la formation et j’aime imaginer que Piggy le regarde d’en haut en souriant. Pourquoi? Parce qu’il est le remplaçant parfait et que son jeu complexe, étrange et dissonant s’inscrit dans la parfaite continuité de l’ouvrage de son prédécesseur. N’en déplaise aux sempiternels détracteurs qui refusent d’admettre que le groupe est encore bien vivant, 40 ans après sa formation.

Viens-en au fait Laplante! Comment est-il ce 15e album du groupe de Jonquière?

Je ne pensais pas que c’était possible, mais je pense que j’aime encore plus Synchro Anarchy que The Wake. Je ne sais pas si c’est en raison des influences prog encore plus présentes ou de la qualité globale des compositions, mais la pandémie a eu un effet incontestablement inspirant sur la troupe, qui a dû modifier son processus de création pour respecter les mesures sanitaires. De groupe qui s’inspire en jouant ensemble dans un local, ils sont devenus des pros de l’échange de fichiers par courriel et les résultats parlent d’eux-mêmes : l’album est une réussite complète. Peu de groupes peuvent se vanter de faire une musique tant complexe qu’attrayante, surtout à une époque où l’on nous gave de divertissements faciles qui frôlent la dégénérescence.

Évidemment, l’écoute répétée fait croître le plaisir de manière exponentielle et je n’ai vraiment pas encore fini de déceler toutes les subtilités de l’opus. Malgré la longueur des pièces offertes, on ne s’ennuie pas une seule seconde. C’est nerveux, c’est sombre, c’est aventureux, c’est un brin psychédélique, c’est plein de transitions étonnantes (comme celles de Planet Eaters) et, comme toujours, c’est dystopique à souhait, même si notre monde est en voie de devenir plus heavy qu’une toune de Voïvod. Mention spéciale à la basse tonitruante de Dominic «Rocky» Laroche, qui est le complément parfait de la guitare de Chewy. La bête est en pleine forme et elle n’oublie pas d’ajouter une bonne dose de punk à sa complexité métallique, comme en témoigne l’excellente Sleeves Off. Bref, Synchro Anarchy enrobe l’essence de Voïvod dans des pièces mieux ficelées et un brin plus accrocheuses que celles de son prédécesseur. Si vous connaissez sommairement le groupe et que vous hésitez à vous lancer, c’est peut-être l’album qui vous fera accrocher. Après 40 ans de carrière, on appelle ça un exploit.

Enfin, ce n’est certainement pas la première critique ou le premier article que vous voyez passer sur le groupe et c’est ce qui me rend particulièrement heureux. On avait jadis l’habitude de dire que nul n’est prophète en son pays en parlant d’eux, mais cette époque est révolue et Voïvod est maintenant célébré ici presque autant qu’ailleurs dans le monde. Maintenant, si tous les bands métal de la province pouvaient jouir d’une couverture médiatique aussi importante, ce serait chouette non?

En attendant, longue vie à Voïvod!

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