Critiques

Thundercat

Drunk

  • Brainfeeder
  • 2017
  • 51 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Stephen Bruner, mieux connu sous le nom de Thundercat, est un personnage fascinant. Depuis quelques années, il prête ses talents de bassiste à des projets d’avant-garde de qualité : Flying Lotus, Kendrick Lamar et Kamasi Washington. Ces derniers partagent ceci en commun : ils jouent avec les codes du jazz, les chavirent et proposent des voies nouvelles. À l’instar de ceux-ci, Thundercat est une figure de proue d’un free-jazz coloré de funk et de soul avec une approche musicale unique. Il est peut-être aussi important aujourd’hui à la basse que l’était Miles Davis à la trompette à l’époque ou que Colin Stetson l’est au saxophone. Lorsqu’on considère tout ceci, on se surprend de savoir que Thundercat était bassiste de Suicidal Tendencies pendant 9 ans. Oui, de 2002 à 2011, il était responsable du groove de la formation de thrash métal. Je vous avais dit que c’était un personnage fascinant.

Drunk est un album à la fois magnifique et énigmatique. C’est que Bruner a un sens de l’humour et sans doute un fond de troll en lui-même. Peut-être que la pièce Rabbot Ho nous donne une piste de solution en ouverture. On tombe dans un monde similaire à celui d’Alice aux pays des merveilles avec toutes les excentricités que cela comporte.

«When it rains, it pours
Open windows and closed doors
All the pretty lights and sounds to open up the night
Friends, they come and go
That’s okay, I’m kind of bored
Let’s go hard, get drunk, and travel down a rabbit hole »
– Rabbot Ho

L’album en entier, à quelques exceptions près, est sitedemo.cauit par Flying Lotus. On reconnaît sa griffe unique et audacieuse un peu partout dans les sonorités utilisées. Tout comme le jeu de basse impeccable, surprenant et audacieux de Thundercat. D’ailleurs, la principale critique qu’on pourrait lui adresser est l’aspect décousu de la suite des pièces. Mais dans ce cas, c’est qu’on prend tout trop au sérieux et qu’on manque d’ouverture d’esprit. C’est d’un bout à l’autre un album pratiquement parfait. Qui a besoin d’une suite polie et gentille qui nous guiderait d’un bout à l’autre? Drunk est tout comme une soirée de beuverie, remplie de surprise, de sentiment de perte de contrôle et d’histoire à raconter plus tard entre amis.

Comme l’apparition de Kenny Loggins et Michael McDonald (Steely Dan, The Doobie Brothers) dans Show You the Way, la plus pop des ritournelles dans Drunk. Vous vous souvenez qui est Kenny Loggins? Vous savez la toune de Top Gun? Son bon ami Kendrick Lamar fait aussi une apparition dans la bizarre Walk On By, pleine de synthés. Même Pharell Williams vient faire son tour dans l’obscure, mais étrangement mélodieuse The Turn Down.

Thundercat joue à nous déstabiliser du début à la fin, souvent avec une bonne touche d’humour. On découvre aussi son énorme côté geek. Ceux de sa race (dont je fais partie) comprendront lorsqu’il parle de jouer à Diablo et Mortal Kombat sur une chanson où il chante l’affreux sentiment d’être confiné dans la Friend Zone. Dans Tokyo, il nous chante son envie de rester une journée de plus dans cette ville avec une mélodie vocale atypique, mais diablement efficace. Qui ne voudrait pas être Goku? Mais le bout du bout est atteint dans A Fan’s Mail (Tron Song Suite II) avec son texte délicieux où il chante l’envie d’être un chat :

« Cool to be a cat (meow, meow, meow, meow)
Cool to be a cat (meow, meow, meow, meow)
Cool to be a cat (meow, meow, meow, meow)
Cool to be a cat »
– A Fan’s Mail (Tron Song Suite II)

Tu ne trouves pas ça comique? T’as le droit. C’est vrai que c’est un peu idiot un adulte qui fait des « meow » sur une chanson incroyablement bonne. Et c’est ce qui attend le mélomane sur Drunk, une suite de chansons déstabilisantes et magnifiquement composées. Thundercat est l’un des musiciens les plus pertinents et aventureux des 20 ou 30 dernières années. Le genre de musicien dont on chantera les louanges encore longtemps.

Ma note: 8,5/10

Thundercat
Drunk
Brainfeeder
51 minutes

http://www.brainfeedersite.com/