Critiques

U.S. Girls

Bless This Mess

  • 4AD / Royal Mountain Records
  • 2023
  • 45 minutes
7

Forte de trois nominations aux prix Juno et autant de présences sur la courte liste du prix Polaris, Meghan Remy (l’artiste derrière le projet U.S. Girls), est une valeur sûre en matière de pop exploratoire. Après s’être inspirée de la musique soul et du funk des années 70 sur l’excellent Heavy Light (2020), son nouvel album Bless This Mess baigne dans la pop des années 80 pour un résultat moins percutant.

Originaire de Chicago, Meghan Remy est établie à Toronto depuis plusieurs années. Après une série d’albums confidentiels entre 2008 et 2012, elle s’est fait un nom en 2015 avec la sortie de Half Free, son premier disque sur le label 4AD. Trois ans plus tard, elle lançait In a Poem Unlimited, qui alliait disco et expérimentations jazz à des textes engagés sur la place des femmes en société. Ce côté engagé était encore bien présent sur Heavy Light, lancé avant la pandémie en mars 2020, et qui abordait des questions comme la crise climatique et les inégalités économiques.

La différence la plus marquée entre Bless This Mess et ses prédécesseurs est son ton plus personnel. Non pas que Remy se désintéresse du sort des plus démunis, mais ses préoccupations s’inscrivent davantage dans le quotidien que dans les grands enjeux du monde. Certes, ce nouvel album a été conçu dans un contexte de pandémie, et ça se reflète dans les thématiques, comme dans Screen Face, qui parle de l’amour au temps des applications de rencontre. Remy est aussi devenue la maman de jumeaux et la maternité est au cœur de ce nouveau disque, imprégnant notamment les textes de la chanson-titre et de Pump, qui échantillonne justement un tire-lait.

L’habillage musical fait aussi en sorte que le ton de Bless This Mess apparaît plus léger, ce qui en diminue la force de frappe, comme si Remy n’était plus habitée de ce sentiment d’urgence qui a longtemps marqué sa musique. Bien sûr, plusieurs des titres invitent à la danse, une constante dans son œuvre, mais l’esprit est davantage à l’insouciance qu’à la survivance. Alors que sur Heavy Light, elle s’appuyait sur des genres historiquement engagés pour accentuer le propos, le choix de puiser dans la synth-pop des années 80 appelle un aspect forcément plus ludique.

Ça fonctionne très bien sur certains morceaux, dont l’entraînante Only Daedalus en ouverture, avec sa rythmique syncopée et ses harmonies vocales qui rappellent des groupes féminins phares des années 80 comme les Pointer Sisters. La suivante Just Space for Light est dans le même esprit, avec une première moitié toute en langueur et une seconde partie davantage funky, avec un clavier à la Stevie Wonder et un côté à la Badge Époque Ensemble, le groupe de son mari Max Turnbull.

Parmi les moments forts, on retiendra aussi l’excellente Futures Bet, qui rappelle le Prince de l’époque Purple Rain, avec un solo de guitare qui reprend les premières notes de l’hymne américain, mais dont le texte appelle simplement à se satisfaire du quotidien sans trop se poser de questions sur le pourquoi du comment : 

Goodbye history

Why don’t we let it be a mystery

That we never sort out? 

– Futures Bet

Quelques titres sont davantage oubliables, dont la sautillante So Typically Now, mal servie par une instrumentation surtout électronique et un abus de machine à rythme. D’inspiration disco-funk, la trop longue Tux (Your Body Fills Me, Boo) rate aussi un peu la cible avec des sons de synthés un peu agaçants, même si on ne peut faire autrement que de se laisser entraîner par son rythme endiablé.

Ayant adoré le précédent Heavy Light (c’était mon favori dans la course au prix Polaris en 2020), je suis quand même resté un peu sur ma faim avec cette nouvelle offrande de U.S. Girls. Ça demeure une œuvre de grande qualité et brillamment exécutée, supérieure à bien des productions du genre, mais compte tenu du parcours de cette musicienne d’exception, ce n’est pas le grand cru souhaité.

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