Critiques

Albédo

  • Bonbonbon
  • 2024
  • 40 minutes
8
Le meilleur de lca

C’est en fouillant dans les propositions d’artistes québécois à découvrir pendant MUTEK 2022 du Canal Auditif que j’ai découvert Totalement Sublime. Ils se sont par la suite hissés parmi les artistes francophones que j’ai le plus écoutés ces dernières années. Il faut dire que les deux membres fondateurs du groupe possèdent une impressionnante feuille de route à leur actif : Marc-Antoine Barbier fait aussi partie de Choses Sauvages, tandis qu’Élie Raymond est lui issu de Foreign Diplomats.

C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’attendais la parution, le 3 février dernier, de la plus récente offrande de Totalement Sublime intitulée Albédo. Mon enthousiasme n’a été que décuplé lorsque j’ai constaté qu’il s’agit en fait d’un album double, dont le second volet intitulé Parhélie, déjà accessible en vinyle, paraitra en ligne le 19 avril prochain.

Albédo et Parhélie sont le résultat d’un plongeon dans le vide exécuté par Totalement Sublime en 2022. Le groupe a alors enregistré cinq performances entièrement improvisées devant public. Le tout a été retravaillé en studio, on y a alors ajouté des mélodies vocales, sur des textes de Dominique Rivard, autrice et artiste multidisciplinaire. Un troisième membre s’est de plus joint au groupe au cours de ce processus en la personne de Thomas Bruneau Faubert, lui aussi anciennement de Foreign Diplomats.

Il a résulté de ce travail près de 1h20 de musique répartie en deux volets ayant chacun leurs caractéristiques propres, comme le clair et l’obscur d’une même démarche créative. Dans l’ensemble, on retrouve les ambiances empreintes d’une certaine mélancolie qui font le son de Totalement Sublime. Leurs mélodies restent toujours aussi efficaces, mais elles cèdent souvent la place à une musique plus atmosphérique, qui s’étend en de grandes nappes de synthétiseurs invitant à la contemplation entre des moments plus rythmés. Ses moments se déploient en quelque sorte en réponse aux textes de Dominique Rivard, ceux-ci développant d’un bout à l’autre d’Albédo et Parhélie une thématique environnementale qui détache le regard de soi pour le tourner vers l’extérieur.

Albédo

Albédo, c’est la face claire du projet. C’est l’album qui rassemble les moments les plus pop, les mélodies les plus fortes, et qui laisse davantage la lumière filtrer au travers du voile de mélancolie qui s’étend sur la musique de Totalement Sublime. Manteau d’ardoise, deuxième pièce et premier extrait de l’album, donne rapidement le ton. Elle prend son élan à travers un rythme légèrement funky, qui martèle les temps, sur lequel s’élève la voix d’Élie Raymond. Celui-ci entonne le refrain le plus accrocheur d’Albédo :

Le visage d’une chanson
Des îles d’étoiles
Le visage d’une chanson

Manteau d’ardoise

Car, en effet, chanson, il y a du côté de Totalement Sublime. Le groupe ancre ses mélodies dans quelque chose de résolument québécois francophone, qui n’est pas sans rappeler Dumas par moment. Puis, à partir de 2 min 30 sec, la chanson cède tranquillement le pas à la musique atmosphérique, celle-ci s’installant d’abord dans des harmonies vocales, puis dans des synthétiseurs qui égrènent de longues notes, avant de prendre toute la place, et ce, pendant les cinq dernières minutes de Manteau d’ardoise.

On est donc loin ici d’un format classique, et si des mélodies fortes reviennent sur presque chaque pièce de l’album, elles sont inévitablement précédées et/ou suivies de longs moments instrumentaux, qui peuvent parfois rappeler le travail de Christophe Lamarche avec Organ Mood et feu doux. Et c’est là que réside l’incroyable force d’Albédo. La conséquence de construire l’album à partir d’improvisations au départ instrumentales est que les mélodies ne prennent pas une place prépondérante au sein des arrangements. Elles semblent souvent flotter sur un ensemble leur préexistant. Mais on est gagnant au change, car le processus insuffle aussi une bonne dose d’imprévisibilité à la musique de Totalement Sublime. Albédo déploie un foisonnement d’idées, de sonorités et de rythmes dans des pièces aux structures non conventionnelles, qui transportent l’auditeur à travers des paysages surprenants. Ça décentre un peu, ça incite à sentir le vent sur la peau, et ça fait du bien.

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