Critiques

Swans

The Beggar

  • Young God Records
  • 2023
  • 122 minutes
8
Le meilleur de lca

Un album conçu par le véhicule sonore piloté par Michael Gira est toujours une excellente nouvelle pour le mélomane exigeant. Nul besoin de s’étendre de long en large sur les indéniables mérites de ces chefs-d’œuvre que sont The Seer (2012) et To Be Kind (2014). On salue également au passage le très solide The Glowing Man (2016), dernier chapitre qui conclut cette trilogie.

En 2019, Gira et ses accompagnateurs nous présentaient un Leaving Meaning (2019) assez réussi, mais moins percutant et extatique que To Be Kind, par exemple. Après l’annulation incessante des dates de concerts que Swans avait prévus après la sortie du long format susmentionné — pour les raisons que l’on connaît — Gira a amorcé un rigoureux processus de création; démarche qui s’est concrétisée dans un studio localisé à Berlin.

Le meneur de la formation a donc rameuté Kristof Hahn, Larry Mullins, Dana Scheckter, Christopher Pravida, Phil Puleo et Ben Frost — toujours sans l’important guitariste Norman Westberg — afin de donner vie à ses nouveaux « mantras ». Voilà donc The Beggar, une autre saga sonore d’une durée de près de cent vingt minutes.

Si Leaving Meaning était un recalibrage significatif de la « formule Swans », surtout après la stabilité et la constance qualitative offerte par la formation depuis 2010, The Beggar, lui, poursuit sensiblement dans la même veine que son prédécesseur. Toutefois, le collectif propulse la qualité de ses habituelles orchestrations à un niveau de splendeur supérieur. Ceux qui n’en avaient que pour la force de frappe itérative et aliénante de Swans devront résolument s’y faire. Âgé aujourd’hui de 69 ans, Michael Gira opte de plus en plus pour l’élévation de son âme, et de sa musique, lui qui, tout au long de l’album, réfléchit à sa propre mortalité.

La pièce qui incarne à la perfection ce désir de grandeur sonore et philosophique est sans contredit l’émouvante Michael Is Done. Dans un enrobage sonore luxuriant, Gira exprime avec une simplicité désarmante son athéisme qui, de manière contradictoire, recèle une curieuse forme de spiritualité :

When Michael is gone, some other will come
When the other has come, then Michael is done

– Michael Is Done

Des pièces comme No More of This, Unforming et Ebbing évoquent fortement le folk céleste d’Angels of Light, groupe formé par Gira en 1998 et qui contrebalance les envies post-apocalyptiques récurrentes du musicien. Los Angeles : City of Death est une superbe incantation macabre de Gira qui nous exhorte à fuir pour échapper au « mal » social et environnemental qui nous envahit sournoisement. Dans Paradise Is Mine, on retrouve avec un plaisir presque malsain l’approche mélodique menaçante du vétéran, bien sûr bonifiée par ce lent et chirurgical crescendo si emblématique de la formation.

Là où le collectif étonne, c’est sur The Beggar Lover (Three), avant-dernière pièce de l’opus. D’une durée de quarante-quatre minutes, le groupe semble surfer sur sa recette habituelle. Or, dès la treizième minute, la bande nous escorte dans un périple sonore intersidéral, parfois brouillon, qui pourrait servir de trame sonore à l’œuvre cinématographique 2001 Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick si on lui coupait le son. Ce morceau-fleuve assez déstabilisant laisse peut-être entrevoir la direction vers laquelle le groupe pourrait se diriger lors de sa prochaine aventure. Et The Beggar se conclut avec The Memorious; du Swans pur jus.

Sans atteindre les hauts standards établis avec The Seer, To Be Kind et The Glowing Man, Swans fertilise sensiblement ce qu’il avait tenté de semer avec Leaving Meaning.

Au risque de me répéter, peu de formations catégorisées « rock » possèdent ce désir de dépassement créatif. Ne serait-ce pour cette seule et unique raison, The Beggar vaut la peine de lui prêter la plus grande des attentions.

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