Critiques

Ryley Walker

Course In Fable

  • Husky Pants Records
  • 2021
  • 40 minutes
7,5

En 2015, Ryley Walker nous avait gratifiés du sublime Primrose Green. À l’époque, de nombreux médias spécialisés s’étaient entichés de cet émule de Nick Drake, Tim Buckley et Bert Jansch. Mais le principal intéressé a toujours réfuté ces comparatifs. L’artiste préfère être reconnu en tant que musicien jazz-rock plutôt que comme un « folker » baba cool.

En 2016, il rectifiait le tir avec l’excellent Golden Sings That Have Been Sung, disque réalisé par Leroy Bach, claviériste de Wilco. C’est en 2018 que la carrière de Walker s’est égarée dans des méandres créatifs plus ou moins concluants avec l’avènement de Deafman Glance. Le virage indie-rock labyrinthique à la Grizzly Bear n’a pas obtenu les résultats escomptés. Cet album en demi-teinte doit être malgré tout défendu, car il a été conçu dans un contexte particulièrement tumultueux.

En effet, depuis 2018, Walker livre bataille à ses nombreux démons : dépendance lourde à l’alcool, consommation assidue d’héroïne et de cocaïne, idées suicidaires, etc. Les problèmes de santé mentale du musicien ont atteint leur climax lorsqu’il a tenté de mettre fin à ses jours dans une chambre d’hôtel du Colorado en consommant un cocktail indigeste de tout ce qui a été énuméré précédemment. Les assuétudes de Walker lui ont coûté cher, car il a également dû bosser dans un magasin à grande surface pendant l’enregistrement de ce nouvel album. Selon ses dires, c’est par miracle qu’il est aujourd’hui encore en vie.

Le musicien-virtuose, résident de Chicago, est de retour avec un cinquième album solo intitulé Course in Fable. Réalisé par John McEntire (Tortoise), accompagné par la crème des musiciens de jazz-rock chicagoain (Bill Mackay, Ryan Jewell et Andrew Scott Young), le survivant nous propose un long format rigoureux, techniquement parlant, tortueux sur le plan compositionnel et qui inclut quelques moments de félicité, grâce à ces improvisations qui aèrent magnifiquement l’ensemble. Si Deafman Glance était un disque épuisant, Course in Fable nous escorte au grand air, avant de se réfugier, par moments, dans des changements de tempo inspirés du rock progressif.

Cette nouvelle création est l’aboutissement d’une démarche personnelle entamée l’année dernière qui l’a, semble-t-il, affranchi de ses accoutumances. Course in Fable est l’œuvre d’un artiste enfin libre d’exprimer pleinement son immense talent. Si la nouvelle posture psychologique de Walker est d’une clarté absolue, les chemins sonores sinueux qu’il arpente pourraient rebuter le mélomane plus consensuel, même si mélodiquement, il n’a jamais été aussi en maîtrise.

On vous invite à prêter attentivement l’oreille à Stinking Down Your Big Premiere qui met de l’avant le jeu de guitare arpégé de l’instrumentiste. Clad With Bunk parcourt des sentiers jazzistiques et orchestraux bien balisés. Dans Pond Scum Ocean, le bassiste Andrew Scott Young rend un subtil hommage au dub jamaïcain. Malgré tous les ascendants disparates réunis sur ce disque et les soudains changements de cap, Walker nous propose un album étonnamment cohérent.

Course in Fable est une création émouvante et complexe à l’image de la personnalité de Ryley Walker. Réconcilié avec lui-même, il peut maintenant tourner son regard vers un horizon plus prometteur.

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