Critiques

Richard Dawson

The Ruby Cord

  • Domino Recordings
  • 2022
  • 81 minutes
8
Le meilleur de lca

Originaire de Newcastle en Angleterre, Richard Dawson est un auteur-compositeur-interprète qui trace sa propre trajectoire sans tenir compte des résultats quantifiables qu’il pourrait obtenir. Il y a deux ans, l’homme nous avait conquis grâce à la sortie de 2020; une création sensible et caractérisée par une ironie typiquement « british ». L’année dernière, le musicien a eu la géniale idée de s’associer avec la formation de métal expérimentale finlandaise Circle pour nous offrir un émouvant récit environnementaliste.

Dawson est donc de retour en mode solo avec un long format qui, selon ses dires, pourrait constituer le troisième chapitre d’une trilogie amorcée avec Peasant (2019). L’utilisation du conditionnel ici prend toute son importance, car l’intention artistique derrière The Ruby Cord est volontairement imprécise.

Dans une entrevue accordée au média numérique The Quietus, le Britannique a déclaré que cette création « explore un monde où l’humanité s’est effondrée et s’est métamorphosée en quelque chose d’encore plus austère et violent ». Toujours dans cet entretien fort intéressant, Dawson disserte sur l’usurpation de l’imagination par tous ces fumistes commerciaux qui domestiquent l’humanité : «… le fantaisiste ne prend aucun risque créatif, il imite et banalise […] Il compte sur l’imagination de l’humain pour dominer. Mais si l’imagination peut être détournée et dégradée, elle survivra toujours d’une manière ou d’une autre à l’exploitation mercantiliste et didactique ». (traduction libre)

The Ruby Cord est un opus dont la trame narrative alterne entre présent, passé et avenir. Inspiré par les confinements pandémiques, où les repères habituels avaient disparu et où la notion de temporalité était devenue floue, Dawson aborde en toute subtilité cette précarisation mentale que nous avons tous vécue :

At the end I didn’t really comprehend

That I was saying goodbye for the last time

To all my friends and family

My only thought was a flight from the mines

– Thicker Than Water

Or, c’est la pièce introductive qui singularise The Ruby Cord. Intitulée The Hermit, cette chanson d’une durée de 41 minutes met de l’avant des percussions brossées, des guitares venteuses et un touchant couplet chanté a capella. Ce morceau qui relève de l’épopée exprime de manière poétique le changement de paradigme social, économique et écologique auquel l’humanité assiste actuellement avec un immobilisme préoccupant :

Vapourous shifts of burgeoning sun

Skewer the forest-floor onto a world fresh begun

All in the Name of the Harvest

– The Hermit

Si l’imaginaire tortueux de Dawson est parfois difficile à suivre, la musique, elle, demeure enracinée dans l’identité sonore coutumière de l’artiste : le folk, la tradition gaélique, le rock progressif et l’indie rock.

Parmi les moments poignants de cette autre réussite du compositeur, on note l’explosion pianistique à la mi-parcours de The Fool. La bouleversante The Sea, The Sea relate l’histoire de deux acteurs retraités qui décident de refaire leurs vies en s’installant dans un chalet côtier isolé de la clameur du monde. Dans The Tip of the Arrow, les fidèles de Dawson le retrouveront en mode rock gaélique et le violon qui accompagne la mélodie dans Horse and Rider vient magnifiquement conclure ce périple dans l’univers de ce créateur chansonnier unique.

Si Peasant était campé dans une atmosphère médiévale, si 2020 était résolument cantonné dans le ici et maintenant, The Ruby Cord, lui, nous plonge dans un avenir fantasmagorique, parfois sinistre, où les frontières physiques et éthiques se sont évaporées à jamais. Un destin où il ne resterait que l’imagination pour survivre.

L’individualisme à son apogée…

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