Critiques

Richard Dawson + Circle

Henki

  • Domino Recordings
  • 2015
  • 56 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Fin 2019, l’auteur-compositeur Richard Dawson nous épatait avec l’émouvant 2020. Influencé par le folk, le rock progressif et recelant quelques relents de britpop, ce long format a permis au Britannique d’accentuer son rayonnement. Dawson se distingue mélodiquement grâce à sa capacité à se lancer de manière inattendue dans les octaves supérieures. L’auteur a également un don manifeste pour décrire avec empathie les souffrances de ses compatriotes.

Pour sa nouvelle aventure créative, il s’est associé à la formation rock expérimentale Circle. C’est sur la plateforme Twitter que les deux artistes ont entretenu leur respect mutuel l’un envers l’autre. Les Finlandais ont alors invité Dawson à se joindre à eux dans le cadre du festival Sideways présenté à Helsinki. « C’est comme si Iron Maiden m’avait invité à les rejoindre sur scène lorsque j’étais adolescent. Ce groupe est à ce point important pour moi », a déclaré Dawson au sujet de sa profonde affection pour Circle. Il n’en fallait pas plus pour que les deux entités forment une véritable équipe créative.

La semaine dernière paraissait Henki ; fruit de la collaboration entre Richard Dawson et Circle. Après s’être échangé quelques démos à distance, Dawson s’est rendu à Pori — lieu de résidence de Jussi Lethisalo, meneur de Circle — afin de finaliser en studio le travail amorcé… et le résultat est une réussite totale ! Chacune des sept chansons de l’album porte le nom d’une plante. Ce concept s’appuie sur une suite d’histoires à haute teneur écologiques abordant les thèmes du labeur aliénant, de la tragédie, de la vie après la mort et contenant de nombreuses références historiques.

Malgré la singularité de la démarche, les textes de Dawson sont ancrés dans la modernité en tournant constamment notre regard vers le quotidien des gens dits « normaux ». Lily raconte l’histoire d’une infirmière qui se remémore les événements traumatisants qui ont suivi la mort de certains de ses patients :

« Black lights

Lolling in the distance

I have seen the flowers of another country

Black lights

Blooming in the doorway

Petals unfold around me »

– Lily

Dans Methuselah, Dawson personnifie cette nature chancelante, au bord de l’abîme, prête à s’effondrer sur le genre humain.

« Don’t you see me?

I’m on the edge, I’m on the edge

Don’t you hear me?

I’m on the edge, I’m peeking over

Don’t you feel me?

I’m on the edge, I’m on the edge, I’m on the edge

Blowing down the mountains »

– Methuselah

Libéré de la complexité de ses propres chansons, Dawson plane glorieusement au-dessus du hard rock progressif de Circle, qui lui, ne perd rien de sa puissance habituelle. Certains mélomanes plus attentifs y verront des points de comparaison avec la récente collaboration entre Converge et Chelsea Wolfe ; une coopération qui fut décriée par les purs et durs de Converge qui auraient souhaité entendre un peu plus d’aspérités dans la proposition. Dans le cas qui nous intéresse, c’est Dawson qui est clairement le maître à bord, même si Circle joue magnifiquement bien son rôle de faire-valoir.

Bien sûr, Henki est une proposition qui s’écoute du début à la fin sans interruption, même si quelques morceaux attirent un peu plus l’attention. Pitcher est une sorte de krautrock baroquisant. L’intermède jazzistique et ambiant à la mi-parcours de Silphium prépare adroitement le retour du refrain frémissant qui particularise la chanson. Le riff principal dans Ivy, combiné aux montées mélodiques de Dawson, nous plonge dans un psychédélisme inquiétant.

Même s’il vous faudra de nombreuses écoutes pour déceler toutes les lectures possibles proposées par ce Henki, cette collaboration entre Richard Dawson et Circle est une fable environnementaliste intelligente et profondément émouvante.