Critiques

P.J. Harvey

I Inside the Old Year Dying

  • Partisan Records
  • 2023
  • 40 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Comme vous avez peut-être pu le constater à la lecture de notre chronique Pour le meilleur ou pour le pire qui présentait un classement appréciatif des albums de PJ Harvey, la grande dame du rock anglais n’a pas commis beaucoup de faux pas créatif dans sa longue carrière. Le parcours discographique de l’artiste est un sans-faute.

Évidemment, chaque fois que l’autrice-compositrice revient à la vie créativement parlant, les attentes sont grandes, voire démesurées. Après sept ans d’absence sur disque, PJ Harvey est donc de retour avec un dixième long format en carrière intitulé I Inside the Old Year Dying; opus réalisé avec l’aide des habituels collaborateurs, Flood et John Parish.

Lors de la fin de la tournée faisant la promotion de l’album The Hope Six Demolition Project (2016), la musicienne a sombré dans une profonde remise en question concernant cet incessant enchaînement de longs formats et de tournées imposés par « l’industrie du disque ». Grâce au mentorat du poète écossais Don Paterson, elle en a donc profité pour publier un deuxième recueil de poèmes titré Orlam — œuvre qui constitue la moelle épinière des nouvelles chansons de l’artiste —, en plus de travailler à de nombreux projets cinématographiques et télévisuels.

Malgré tout, l’envie de lancer un nouvel album ne faisait pas partie des plans immédiats de PJ Harvey. C’est en faisant part de son manque de motivation pour la forme chansonnière au cinéaste Steve McQueen que le déclic s’est enfin manifesté. Le réalisateur l’a recentré en lui faisant remarquer qu’elle devait réfléchir à la musique dans sa globalité plutôt que comme un simple assemblage de chansons à produire.

Remplis de « field recordings » et de matériels provenant d’audiothèques, habilement remaniés par Flood, les magnifiques paysages sonores de I Inside the Old Year Dying sont bonifiés par la contribution de guitares acoustiques / électriques, de larsens, de cuivres et de synthétiseurs, gracieuseté de Harvey et Parish. Or, tous ces apports forment une masse sonore floue crédibilisant les chansons hautement personnelles de l’Anglaise. La voix cristalline de PJ, volontairement mise à l’avant-plan et légèrement distordue, auréole à la perfection les trames à la fois réconfortantes et étranges de cette nouvelle création.

Truffés de références à Elvis Presley, à Shakespeare et au Christ, les textes, eux, évoquent les peurs viscérales issues de l’enfance, celles que l’on traîne jusqu’à l’âge adulte et même jusqu’à la fin de nos existences. Autumn Term est un juste témoignage de l’angoisse qui tenaille un enfant qui se rend à son premier jour de classe, mais aussi celle qui paralyse un artiste incapable de créer librement :

I ascend three steps to hell
The school heaves up the hill

– Autumn Tree

Idéalement, I Inside the Old Year Dying doit être écouté du début à la fin sans aucune interruption. Toutefois, certaines pièces se démarquent. Prayer at the Gate, Lwonesome Tonight et Seem an I recèlent toutes une influence « folk blues » qui accentue la charge émotionnelle de ces morceaux. Le crescendo fantomatique dans The Neither-Edge est réussi. La conclusive A Noiseless Noise et la pièce-titre feront plaisir aux inconditionnels de l’Anglaise qui reconnaîtront son style compositionnel et mélodique. Enfin, on salue ce morceau « électro-expérimental » titré All Souls sur lequel PJ Harvey plaque une superbe mélodie. Elle en fait un véritable joyau !

Dans une récente et rare entrevue accordée à The Guardian, PJ Harvey s’inquiétait à nouveau quant à sa capacité à concevoir d’excellentes chansons. Elle peut dormir en paix. I Inside the Old Dying est un grand cru.

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