Critiques

Pasteur Papillon

On va sauver ce qui reste

  • Productions Big Fat Truck
  • 2023
  • 33 minutes
7

Ceux qui gravitent dans le monde du rock québécois connaissent bien cet homme qui a bourlingué pas mal, c’est le moins qu’on puisse dire. Toutefois, le destin a frappé durement Stéphane Papillon, là où ça fait vraiment mal. Au cours de la dernière année, l’homme a subi une rupture d’anévrisme qui a nécessité une opération à crâne ouvert, un accident vasculaire cérébral et un infarctus. Que l’homme soit encore en vie relève de l’exploit, mais qu’il soit en mesure d’être de nouveau un musicien actif et accompli est vraiment admirable.

Donc, l’artiste persiste et signe. En plus d’avoir repris du service au sein de la formation Drogue, il a aussi puisé l’énergie qu’il lui restait en enregistrant un premier long format sous le pseudonyme de Pasteur Papillon. Cet aventurier, qui possède un carnet de contacts assez enviable, a confié la réalisation de son premier album titré On va sauver ce qui reste à nul autre que l’ex-Replacements, Tommy Stinson. Fait à noter, Stinson joue de la guitare sur deux morceaux (Faire à ma tête, Épouvatail) ainsi que de la basse dans la pièce-titre et Pasteur.

Pour ce premier évangile, le pasteur replonge, avec une sincérité bouleversante et sans aucune complaisance, dans les moments plus ou moins glorieux de son existence. Dans J’ai perdu beaucoup, c’est la distance qui s’est établie au fil des années entre le père et ses progénitures qui est évoquée avec une tendresse remplie de contrition :

Comment vont les p’tites ?

Sont-tu tannantes, y grandissent-tu vite ?

C’tu encore le party din bain d’mousse ?

Leur peau es-tu encore aussi douce ?

– J’ai perdu beaucoup

Évidemment, la mort est le spectre qui hante cette création, et ce, du début à la fin. Dans Épouvantail, Papillon accepte sereinement l’endroit où il sera convié lorsqu’il rendra l’âme :

Si l’enfer me réclame

Je n’hésite pas longtemps

Je rapaille mes affaires

Si le ciel me demande

J’y vais en volant

À dos de corneille

Mais en attendant

Je reste aux champs

– Épouvantail

Musicalement, Pasteur Papillon immerge ses chansons dans un enrobage constitué de rock, de blues, de folk et de country. Par moments, on pense à Lucinda Williams et Tom Waits, et à d’autres occasions, c’est le boogie rock des Black Keys qui nous vient à l’esprit. Or, ces influences encrassées s’effacent souvent au profit d’une réalisation impeccable, mais lustrée. En fait, ces morceaux « charbonneux » auraient obtenu encore plus d’impact avec une réalisation lo-fi, parfaitement cohérente avec les textes francs et directs du parolier.

Cela dit, on a pris beaucoup de plaisir à écouter Un modèle de succès, pièce qui remémore Honky Tonk Woman, le classique des Stones, cloche à vache en sus. On salue le piano à la Jerry Lee Lewis, et l’humour noir de Papillon, dans Comme ‘din vues. Y’é pas trop tard, elle, remémore subtilement le son de la formation Dire Straits.

On va sauver ce qui reste est une création qui dépasse largement le cadre musical. De voir un homme se relever, à sa façon, pour nous offrir ce qu’il sait probablement faire de mieux dans la vie, est franchement émouvant.

On souhaite une existence heureuse au Pasteur Papillon, plus particulièrement à l’homme qui le personnifie.

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