Dans le monde du rap américain, il ne se fait pas énormément de personnages comme celui de Noname, le nom de scène de Fatimah Nyeema Warner. Celle-ci cumule les controverses, les déclarations qui vont à l’encontre du statu quo populaire et les prises de positions semi-radicales. Sundial arrive avec son lot de contradictions desquelles elle ne se défile pas et aussi avec des vers audacieux qui écorchent tout le monde de la « société blanche » à Jay Z, en passant par les hommes en général. Elle continue dans la veine des prises de positions politiques de gauche sur l’excellent Sundial.

On peut être d’accord ou non avec les messages qu’elle met de l’avant sur Sundial, mais on ne peut certainement pas lui reprocher sa livraison impeccable. À de nombreux moments sur Sundial, Noname prouve qu’elle est habile avec les mots, qu’elle sait créer à la fois la réflexion et aussi un sens de l’émerveillement en créant de la surprise.

La critique de Noname ne vient pas sans retourner la plume contre elle-même. Parmi les meilleures pièces de Sundial, il y a la dynamique namesake qui parle notamment du fait que son nom implique un certain anonymat, mais qui se termine dans une critique de Rihanna, Kendrick Lamar, Beyoncé, Jay Z pour leur association à la NFL qui valorise le complexe industrialo-militaire américain. Elle termine tout de même en disant qu’elle avait dit qu’elle ne jouerait pas à Coachella et que même elle a fini par plier. C’est une magnifique mise en lumière du chemin difficile du militant qui s’épuise et fini par accepter certaines opportunités qui ne sont pas à 100% en accord avec ses principes, car ceux-ci sont simplement trop difficiles à respecter dans leur entièreté dans le monde dans lequel on vit.

Ce n’est pas la seule fois où les contradictions sont présentes sur Sundial. L’un des moments plus délicats de l’album est balloons sur laquelle Jay Electronica a participé. Ce dernier a créé de nombreuses controverses au cours des dernières années en raison de ses positions antisémites, ou à tout le moins, très critiques des gens de confessions juives en tant que groupe ainsi que ses prises de position que la guerre en Ukraine était un canular. D’ailleurs, il redouble sur ces deux choses dans ses paroles de la chanson. Il fait notamment allusion au fait qu’il a brisé le couple d’une héritière Rothschild après une aventure avec elle et qualifie Zelensky de blague. Noname a dit très publiquement qu’elle ne s’excuserait pas pour un texte écrit par quelqu’un d’autre. D’un autre côté, elle a tout de même décidé de l’inclure sur cet album, ce qui fait qu’elle ne peut pas s’en laver les mains en ne prenant aucune responsabilité.

Ceci étant dit, son côté militant en faveur des communautés noires, lui est intact sur Sundial. Elle en parle autant sur la soul gospel? sur laquelle elle est rejointe par $ilkmoney, billy woods et STOUT. C’est aussi le cas, sur la groovy Beauty Supply. C’est aussi le cas sur la convaincante black mirror qui ouvre l’album. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est qu’unidimensionnelle. Elle fait une critique très acerbe de la communauté noire américaine sur l’excellente hold me down.

Sundial est un album complexe, rempli de grooves qui inspire le questionnement et qui refuse de tomber dans la facilité. Noname a mis cinq ans pour le créer et même un album auraient été jeté aux poubelles pour arriver à cette œuvre qui fait partie des meilleures sorties rap de l’année.