Critiques

The New Pornographers

Continue as a Guest

  • Merge Records
  • 2023
  • 41 minutes
7

Véritable institution au sein de la scène indie rock canadienne depuis une vingtaine d’années, the New Pornographers n’ont plus besoin de présentation. Les voici qui débarquent avec leur neuvième album, Continue as a Guest, qui voit le groupe réussir à renouveler son esthétique, avec un côté plus abrasif et une très belle utilisation de cuivres, même si les chansons n’ont pas toutes le même mordant.

Continue as a Guest nous arrive quatre ans après le précédent In the Morse Code of Brake Lights, qui marquait un beau retour en forme pour la formation menée par A.C. Newman après le tiède Whiteout Conditions (2017), à grand renfort de somptueux arrangements de cordes. Cette fois, Newman a opté pour une facture un peu moins lisse dans un désir conscient d’élargir la palette sonore du groupe et éviter les redites. En particulier, Newman dit avoir voulu travailler les voix d’une façon différente, ce qui se traduit par des effets parfois distordus ou l’utilisation de filtres qui donnent un nouveau relief au chant, même si on perd un peu en clarté et qu’on s’ennuie parfois des puissantes harmonies avec la toujours excellente Neko Case.

Les New Pornographers ont toujours été un groupe à géométrie variable, le genre de projet où les membres vont et viennent en fonction de leur horaire et des contraintes de leur propre carrière solo. Même si on continue d’associer Dan Bejar (Destroyer) à la formation, celui-ci n’a participé à aucun des deux derniers albums, et c’est aussi le cas sur Continue as a Guest. Son ombre est toutefois présente sur l’excellente Really Really Light en ouverture, dont le refrain est issu d’une vieille composition de Bejar (laissée de côté à l’époque de Bill Bruisers en 2014) à laquelle Newman a ajouté un couplet de son cru. Le résultat est toutefois d’une belle cohérence, avec des guitares distordues qui annoncent très bien le son de ce neuvième disque.

Un des aspects les plus intéressants de ce Continue as a Guest est la présence du saxophoniste invité Zach Djanikian (the Brakes), qui y joue un rôle prépondérant sur la majorité des morceaux, contribuant ainsi à la réhabilitation du saxophone dans le rock indie (ce que Dan Bejar approuverait). S’en tenant souvent à un registre grave, Djanikian ajoute un élément mélodique qui fait contrepoint aux voix de Newman et Case, notamment sur la très jolie Pontius Pilate’s Home Movies.

En entrevue récente avec NME, A.C. Newman a tenté d’expliquer son approche pour ce nouveau disque : « Je pense que quand tu joues de la musique depuis longtemps, tu cherches toujours à trouver cet équilibre où ça sonne comme toi, mais tu ne te répètes pas non plus ». Cette recherche d’équilibre s’entend notamment sur un titre comme Last and Beautiful, qui évoque le New Pornographers classique de l’époque Twin Cinema (2005) sur le plan du rythme et des harmonies vocales, mais avec un enrobage différent, notamment avec le saxophone et des synthés vaporeux.

Malgré toutes ses belles promesses, Continue as a Guest contient quelques morceaux un peu moins inspirés qui affectent la qualité de l’ensemble. En particulier, le trio composé de la pièce-titre, Bottle Episodes et Marie and the Undersea en milieu de parcours nous laisse froid, plombé par un certain manque d’énergie. Heureusement, l’album se termine en beauté avec la puissante Wish Automatic Suite, un hymne de power pop qui rappelle Fleetwood Mac et un titre à la The Chain.

Même si ce nouvel album n’atteint pas la grâce des grands disques du groupe, on ne peut qu’être admiratif devant la longévité et la résilience des New Pornographers, soucieux de moderniser leur offre sans dénaturer le produit. Pour leur premier album sous le label Merge, les vétérans de l’indie rock canadien ont mis le paquet sur le plan de la production, avec un grand travail d’instrumentation. On aurait certes voulu des compositions plus puissantes dans l’ensemble pour bien s’arrimer à cette quête d’une nouvelle facture sonore, mais ça demeure un disque de grande qualité de la part d’un groupe qui a commis bien peu de faux pas au cours de sa carrière.