Critiques

Mudhoney

Plastic Eternity

  • Sub Pop Records
  • 2023
  • 42 minutes
7

Parmi les survivants du mouvement grunge apparu à Seattle au beau milieu des années 80 — et qui a connu son heure de gloire au début des années 90 — la formation Mudhoney poursuit son chemin avec une certaine pertinence. Les deux derniers longs formats du quatuor punk-garage rock, Vanishing Point (2013) et Digital Garbage (2018), ont obtenu leur bonne part d’approbation. En fait, le groupe a toujours présenté des albums décomplexés et honnêtes. Les textes corrosifs et sarcastiques du chanteur Mark Arm sont toujours ancrés dans leur époque.

Mudhoney nous présente donc un onzième disque en carrière intitulé avec une jouissive dérision Plastic Eternity. Enregistrée en neuf jours sous la férule du réalisateur Johnny Sangster (Mark Lanegan, The Posies), cette création explore à nouveau les nombreuses et incessantes absurdités de la vie moderne, mais sous un angle écologique. En fait, Arm et ses acolytes nous confrontent, parfois avec humour, à notre bien-pensance environnementale qui se traduit la plupart du temps en inaction.

Dès le départ, avec Souvenir of My Trip, Arm ironise sur tous ces humains inquiets de l’état général de la planète, mais qui ne changent aucunement leurs habitudes.

What’s left for me

What’s left for me

What’s left is a souvenir

– Souvenir of My Trip

Dans Human Stock Capital, le vétéran nous explique en deux petites minutes comment nous sommes devenus de simples rouages au service de la machine économique qui bientôt sera en mesure de se passer complètement de nos vaillants services… Et la lucidité désespérée du porte-étendard de la formation nous accompagne ainsi pendant les quelque quarante-cinq minutes que durent ce nouvel opus.

Or, c’est musicalement que Mudhoney étonne en nous présentant des chansons plus soignées qu’à l’accoutumée. Si Here Comes the Flood et Move Under bourdonnent comme seul Mudhoney sait le faire, des pièces plus atmosphériques comme Severed Dreams in the Sleeper Cell ou country rock, comme Cascades of Crap, sortent du cadre habituel auquel nous avait habitués la formation. Le quatuor se permet même d’incorporer astucieusement des bongos dans Almost Everything.

D’autres pièces ont fait sourire l’auteur de ces lignes. Dans Flush the Fascists — le titre dit tout — Mark Arm nomme quelques œuvres crées par des écrivains associés au fascisme et proposent de les jeter à la toilette plutôt que les censurer. Une charge à la fois contre le fascisme et en opposition à cette forme de censure que prescrit une certaine gauche… Le refrain dans Tom Herman’s Hermits, lui, est drôlement rassembleur et l’énumération de tout ce qui est « plastique » dans notre monde dans l’excellente Plasticity est franchement libératrice.

Sans être une création d’exception, Plastic Eternity nous rappelle qu’il est toujours agréable de renouer avec Mudhoney; un groupe rock qui pose le projecteur sur les incohérences de nos agissements, sans fla-fla et sans prêchi-prêcha.

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