Critiques

Mudhoney

Digital Garbage

  • Sub Pop Records
  • 2018
  • 35 minutes
7,5

En 2013, Mudhoney nous proposait le très potable Vanishing Point. Toujours campé à la frontière du garage rock, du hard rock et du psychédélisme, on retrouvait avec grand plaisir ces bons vieux salopards. Cette année, la formation célèbre ses 30 ans d’existence et un nouvel album de la part du quatuor, dans ce contexte sociopolitique des plus explosifs et anxiogène, ne pouvait tomber mieux.

Mark Arm (guitare, chant), Steve Turner (guitare), Dan Peters (batterie) et Guy Maddison (basse) sont de retour avec un nouveau brûlot intitulé Digital Garbage; une référence directe à toutes ces inepties que l’on peut lire et voir sur ces chers médias sociaux. Pour ce 10e album, Mark Arm n’y va pas avec le dos de la cuillère. Malgré la prévisibilité de ses virulentes charges (politiques fascistes de Trump, vacuité des réseaux sociaux, nouveaux gourous, etc.), on a pris sérieusement notre pied à l’écoute des propos du chanteur. Baveux et sarcastique, le vétéran pointe le miroir sur cette époque en toc, imbue d’elle-même et totalement superficielle.

Toutes les chansons sans exception vargent dans le tas avec une jouissive irrévérence. Dans Prosperity Gospel, le père Arm met la lumière sur ce mariage plus que douteux entre le « religieux » et l’argent :

« Fuck the planet

Screw your children

Get rich !

You win ! »

-Prosperity Gospel

Dans Messiah Lament – la pièce la plus mélodique de l’album – même les bien-pensants d’une certaine gauche moralisatrice y passent :

« Turning water into wine

Is dismissed as a parlor trick

The struggles of alcoholics

Look what they’re doing in my name »

-Messiah Lament

Musicalement, on est bien sûr dans un univers archiconnu, empruntant peut-être une tangente plus « Stooges » qu’à l’accoutumée. C’est solide du début à la fin avec quelques pointes réjouissantes.

21st Century Pharisees fait référence à l’absurde retour de la religion (quelle qu’elle soit et d’où elle provient…) dans nos sociétés. Please Mr. Gunman est une dénonciation des trop nombreuses tueries de masse qui ont lieu chez nos voisins du Sud. Hey Mr. Neanderfuck ridiculise cette « pauvre victime » masculine, incapable de modifier son comportement envers nos partenaires féminins et Next Mass Extinction tire à boulets rouges sur les agissements répugnants de l’extrême-droite américaine lors de la manifestation « Unite the Right » qui a eu lieu à Charlottesville, en 2017.

Mudhoney est un groupe indémodable qui nous offre un album aussi divertissant que revendicateur. Après 30 ans de galère, on ne peut que s’incliner bien bas devant autant de sincérité et d’intégrité.

Sans aucune concession.