Critiques

love will be reborn

Martha Wainwright

Love Will Be Reborn

  • Pheromone Recordings
  • 2021
  • 49 minutes
7

Comment émerger d’une période sombre et s’en servir comme matière pour créer du beau? C’est la question que s’est posée Martha Wainwright en amorçant l’écriture de son nouveau disque. Après des années difficiles marquées par un divorce, elle a opté pour la lumière sur Love Will Be Reborn, une œuvre de résilience aux accents folk rock qui n’a rien à voir avec le traditionnel « album de rupture ».

Love Will Be Reborn nous arrive donc cinq ans après le très réussi Goodnight City, qui comptait sur plusieurs titres écrits par des collaborateurs chevronnés comme Glen Hansard (The Swell Season) et Merill Garbus (tUnE-yArDs). Cette fois, Wainwright signe toutes les paroles et musiques, contribuant à cette impression d’un disque qui lui est plus personnel. C’est aussi un album dont la gestation a été longue (la chanson-titre a été écrite en 2017), et ça se ressent au final puisqu’il s’agit sans contredit de son disque le plus défini et le plus finement ciselé sur le plan sonore.

La présence de Pierre Marchand derrière la console n’est certes pas étrangère à ce son plus rond. Associé à une mouvance plus pop (il a réalisé plusieurs albums de Sarah McLachlan), il y est sûrement pour beaucoup dans ce choix d’un enrobage plus lisse, avec de belles textures de guitares et un bel équilibre dans le mixage qui place la voix au centre de tout. Il a également travaillé avec la mère et la tante de Wainwright (sur Heartbeats Accelerating, des sœurs McGarrigle, en 1990) et avec son frère Rufus (sur Poses), si bien qu’une telle association peut sembler toute naturelle.

S’inspirant des grandes traditions de la chanson populaire anglophone, Love Will Be Reborn navigue habilement entre des eaux plus rock (excellente Middle of the Lake en ouverture), plus folk (délicate Sometimes), blues (sur Report Card) et même soul (Body and Soul, avec son texte bouleversant sur une relation abusive). Quant à la pièce-titre, qui s’impose comme une des plus belles chansons de tout le répertoire de Wainwright, elle flirte avec le country rock, laissant place à un texte qui porte en lui le sens de tout l’album, cette idée que la lumière peut émerger de la noirceur :

« And from the ruins there will come

A new moon, a new born son

We’ll drink the dew from the flower’s hands

And ride on winged back to the new land ».

Love Will Be Reborn

Depuis le début de sa carrière, Martha Wainwright s’est construit la réputation d’une interprète intense, qui semble vivre ses textes autant que les chanter, avec ce que ça suppose en matière d’excès. Il y a un peu moins de ce type d’envolées sur Love Will Be Reborn, dont l’énergie semble davantage contenue. Ça fonctionne bien en général, même s’il y a des moments où on aurait souhaité un peu plus d’intensité pour donner plus de mordant à des morceaux comme Being Right ou la très, très ordinaire Rainbow, qui verse dans le rock FM après une introduction intrigante.

Si l’album s’essouffle un tantinet en fin de parcours, Wainwright nous laisse avec l’exquise Falaise de malaise, chantée majoritairement en français, qui prend les airs d’une troublante berceuse au piano, autre récit d’une relation toxique :

« On n’aurait jamais dû s’installer dans l’autre mais ma chair est vite devenue la vôtre

C’est ma ville mais c’est ton style de m’arracher les droits et de changer les lois ».

Falaise de malaise

Sans être le meilleur album de Martha Wainwright (il est plus cohésif que Come Home to Mama mais pas aussi abouti que Goodnight City ou son album éponyme de 2005), Love Will Be Reborn séduit par son authenticité et son habileté à jouer sur la ligne mince entre la douleur et l’espoir. Dommage que cette vulnérabilité soit parfois masquée par un vernis un peu trop lisse sur le plan de la production.

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