Critiques

Little Simz

Sometimes I Might Be Introvert

  • Age 101 Music / AWAL Recordings
  • 2021
  • 65 minutes
8,5
Le meilleur de lca

L’album est peut-être intitulé Sometimes I Might Be Introvert, mais Little Simz ne manque certainement pas d’audace pour une introvertie. Le 3 septembre dernier, c’était pourtant au tour de Drake de faire un grand « splash ». C’était pourtant à lui de lancer une grosse bombe incendiant ainsi l’eau bénite de Kanye West qui submergeait la scène hip-hop depuis la sortie de DONDA. Mais à travers la bataille d’éclaboussures entre les deux grosses pointures, jaillit Little Simz : brillante, inspirée, immaculée.

La première piste, Introvert, est tout ce qu’il y a de plus grandiose. Suivant les tambours militaires, les chœurs dramatiques et l’immense orchestration se joignent à la partie en compagnie des violons. Et c’est là que la rappeuse anglaise fait son entrée : « The kingdom’s on fire, the blood of a young messiah, I see sinners in a church, I see sinners in a church », prévient-elle d’un ton quasi prophétique.

Les paroles sont graves, à l’image de l’époque. Dès les premières lignes, Little Simz fait part d’un dilemme qui la déchire, de l’inconfort qu’elle éprouve, des sacrifices nécessaires au succès : « Parts of the world still living in apartheid, but if I don’t take this winner’s flight, that’s career suicide, though I should’ve been a friend when your grandma died ».

On est loin du « Champagne Papi » qui se proclame « une lesbienne, lui aussi ». Mais laissons-le de côté pour un moment, celui-là.

Little Simz se présente avec autorité dès les premières minutes de ce nouvel effort. Elle l’avait fait sur son album Grey Area en 2019, mais cette fois-ci, elle vise beaucoup plus haut. Et accompagnée de Cleo Sol, qui est absolument percutante sur le refrain, le morceau rappelle ce que pouvait accomplir Lauryn Hill au sommet de sa carrière.

Sometimes I Might Be Introvert est finement tissé autour de thèmes qui volent et atterrissent au gré des morceaux. Little Simz rend tout d’abord hommage aux femmes et aux cultures noires, elle revient aussi sur son parcours et parle de ses amours, de ses anxiétés.

Simz intègre également des moments de gaieté, ici et là, qui la dévoilent sous un nouveau jour. La piste Point and Kill, avec l’incomparable Obongjayar, et celle qui suit, Fear No Man, présentent toutes deux un mélange des genres fort intéressant.

La première intègre des éléments d’afro-beat qui rappelle les grooves hypnotisants de Fela Kuti, alors que la deuxième rappelle plutôt les rythmes afrojazz de Sons of Kemet sur leur excellent Your Queen Is A Reptile. Little Simz surfe sur ces deux morceaux comme seule une artiste en plein contrôle de ses moyens peut le faire. « Tell me who you know floating on a beat like this », demande-t-elle sur Fear No Man.

Il y a également Two Worlds Apart avec son instrumental soul à la sauce Madlib. Sur cette piste, Simz mentionne Kendrick Lamar, de qui elle semble s’être inspirée pour cet album. Comme Kung Fu Kenny sur DAMN, elle est en mission personnelle et spirituelle.

Des interludes sortant tout droit d’un film de Walt Disney viennent ajouter au côté surréel de cet album. À quelques reprises, Simz confie ses inquiétudes à l’oreille d’une déesse féérique. C’est peut-être un peu «too much», comme on dit en bon Québécois, mais rien pour gâter la sauce. « Understand you’re human […] Your light will shine in the darkest hour, pressure makes diamonds », lui chuchote à l’oreille son ange gardien sur une orchestration digne de Fantasia.

Il est indéniable que Little Simz a progressé comme artiste. Progressé au point de dépasser ses compatriotes, The Streets, M.I.A. et Slowthai sur la scène hip-hop anglaise, mais aussi, et surtout, progressé au point de sortir l’un des meilleurs albums de l’année, tous genres confondus.

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.