Critiques

KEN Mode

Void

  • Artoffact Records
  • 2023
  • 40 minutes
8
Le meilleur de lca

L’année dernière, le trio winnipegois nous avait présenté le premier de deux albums jumeaux. Paru en septembre 2022, Null est caractérisé par un subtil virage sonore et ce n’est certainement pas étranger à l’arrivée de la multi-instrumentiste Katryn Kerr (piano, saxophone atonal, violoncelle, etc.). Même si l’auteur de ces lignes souhaitait un apport sonore plus significatif de la part de la nouvelle venue, ce premier effort laissait au moins entrevoir le possible élargissement du potentiel orchestral et compositionnel de KEN Mode.  

Voilà maintenant Void. Les chansons regroupées sur cet opus ont été colligées par Andrew Schneider pendant les mêmes sessions d’enregistrement que Null. Cette fois-ci, on y entend clairement l’effort de régénération que le groupe souhaitait administrer à ses nouveaux morceaux. Pour une chanson puissante et agressive comme l’introductive The Shrike — et typiquement KEN Mode, disons-le —, Jesse Matthewson (voix, guitare) et ses ouailles dévoilent un visage remodelé avec la superbe These Wires qui nous transporte officiellement dans leur nouvel univers. Mélancolique et émouvante, on peut y entendre en conclusion le piano frémissant de la multi-instrumentiste.

Dans We’re Small Enough, les synthés de Katryn Kerr sont de nouveau à l’avant-plan et n’amenuisent en rien la furie habituelle proférée par le groupe. On salue aussi avec enthousiasme le saxophone atonal entendu dans I Cannot. On pense au martèlement de la formation Swans dans A Reluctance of Being et Painless est un brûlot punk métal fort efficace.

Littérairement, KEN Mode nous replonge dans ce florilège d’émotions contradictoires que nous avons toutes et tous ressenties au climax de la pandémie de Covid-19. Dans la conclusive Not Today, Old Friends, Matthewson pose un regard très dur, mais juste, sur ces personnes qui font un grand cas de leur générosité et de leur empathie… ces individus qui affirment se soucier réellement de leur prochain, mais qui, si on gratte ce vernis « compatissant », nous permet de découvrir une sorte d’hypocrisie habilement alimentée par le marketing dit « relationnel ». Cette pièce est la plus originale de tout le répertoire de KEN Mode.

That kindness, no matter how grating

That concern, no matter how fleeting
That love, no matter how bloodless
Has been noted
And isn’t that what matters?

– Not Today, Old Friends

En faisant une place plus importante à Katryn Kerr, la formation canadienne concrétise l’ambition de s’extirper de sa recette coutumière. À la fois puissant et spleenétique, ce Void est une évocation pertinente du lourd fardeau affectif porté par certains de nos compatriotes pendant cette pandémie.

Si vous aimez un groupe comme Chat Pile, mais en mode plus « enragé », vous adorerez la nouvelle approche de KEN Mode.

Un pari orchestral équilibré et réussi.

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