Critiques

KEN Mode

Null

  • Artofact Records
  • 2022
  • 35 minutes
7,5

Depuis plus de vingt ans, la formation originaire de Winnipeg persiste et signe en crachant son désespoir dans une substance « sludge-punk-hardcore-noise-rock » intemporel. En 2018, KEN Mode — nom inspiré du « kill everyone mode » d’Henry Rollins — nous avait proposé un virage plus expérimental avec la parution de Loved (Season of Mist), tout en prenant bien soin de garder les pieds bien ancrés dans son habituel métal, lourd et grondant.

Pour ce huitième album en carrière intitulé Null, la formation a fait appel aux services du New-Yorkais Andrew Schneider (Cult of Luna, Mutoid Man) afin de concrétiser les fantasmes empiriques du désormais quatuor… car KEN Mode a ajouté une nouvelle corde à son arc. En effet, la multi-instrumentiste Katryn Kerr se joint au trio pour élargir et approfondir la palette sonore proférée par le groupe.

Cette fois-ci, la formation bonifie son arsenal d’ascendants bruitistes/industriels provenant d’ensembles comme Swans et Einstürzende Neubauten, toujours malaxé à la sauce Converge/Melvins. L’arrivée de Kerr est notable. Toutefois, une présence plus accrue de sa part aurait été souhaitable. Mixés à l’arrière-scène, le saxophone atonal dans l’introductive A Love Letter et le piano mélancolique dans l’épique Lost A Grip, par exemple, auraient tous deux mérité une tangibilité plus soutenue… surtout si le groupe a envie de s’extirper significativement de sa recette coutumière.

En fait, c’est l’alternance entre les pistes plus frénétiques — Throw Your Phone In The River, Not My Fault et The Desperate Search For An Enemy, entre autres — et celles plus lentes et cérébrales, comme The Tie et la conclusive Unresponsive, qui désarçonne dès les premières écoutes de ce long format. Or, fidèle à leur habitude, KEN Mode nous convainc grâce ce son bien gras et tonnant qui a fait leur réputation.

Évidemment, Null est marqué par l’expérience collective que nous avons tous vécue ces deux dernières années. Sur But They Respect My Tactics, le hurleur-guitariste Jesse Matthewson exprime son désarroi face aux inepties lâchées sans réflexion sur les réseaux sociaux :

I’ve got nothing worthwhile to say

And you’ve got no reason to listen

What ever gets you talking more

We’re trying to keep you engaged with the platform

– But They Respect My Tactics

Dans A Love Letter, Matthewson se met dans la peau d’un personnage qui conteste l’approbation quasi unanime des décisions gouvernementales prises durant la pandémie.

I’d likе to congratulate you
I’d like to congratulate you
For buying into thе exact same narrative as everyone else

– A Love Letter

Si Null creuse un peu plus profondément le sillon « noise expérimentale » amorcé sur Loved (Season of Mist), ce long format n’est pas aussi prenant et captivant que son prédécesseur… comme si le groupe avait trop réfréné ses envies délirantes. Avec une contribution plus audible de Katryn Kerr, KEN Mode aurait pu nous présenter un grand disque. Or, les purs et durs de la formation et les admirateurs de groupes comme Chat Pile, Whores et Cherubs apprécieront à sa juste valeur ce nouvel album.

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