Critiques

Keith Kouna

Métastases

  • Duprince
  • 2023
  • 63 minutes
8
Le meilleur de lca

Vétéran de la scène de Québec, Keith Kouna est un des grands inclassables de la musique d’ici. Iconoclaste, il a fait ses débuts comme le leader charismatique des Goules, puis, au fur et à mesure de ses multiples allers et retours entre son groupe et sa carrière solo, il a produit une collection d’albums aussi intéressants qu’éclectiques. Métastases, sa nouvelle offrande, ne fera pas exception à la règle, un album de Keith Kouna, c’est multiple, indescriptible et toujours audacieux.

Épaulé à la réalisation par Alexandre Martel, on sent que, sur ce disque, Kouna voulait, encore une fois, pousser plus loin son écriture et les arrangements de ses chansons tout en réaffirmant tout ce qui fait son sel. On retrouve les chansons folks émouvantes des premiers disques comme Au revoir, Cash et Marylin, mais on se permet un détour country avec Aux quatre vents.

À ma fenêtre je saigne
Dans les orages qui éteignent les amants
Dans l’automne qui s’amène
Et les nuées de corneilles dans les champs
Et mon coeur tremble de fièvre
Au souvenir de tes lèvres en sanglotant

Aux quatre vents

Ailleurs, sur Américaines, pièce planante qui fait la part belle aux envolées de cordes et aux voix de Lou-Adriane Cassidy, Odile Marmet-Rochefort et Ariane Roy en arrière-plan, on se rappelle Le Voyage d’Hiver (2013) tout en découvrant un son indie rock auquel le chanteur nous avait peu habitués. Pour autant, en témoigneront les pièces Les Gens, DBM et Y faut des sales, le punk rock à la Bonsoir Shérif (2017) n’est jamais loin. Il en va de même pour les chansons G3A 1W8 et Les Vieux qui courent qui font écho, stylistiquement, à son alter ego Kid Kouna.

On a le sentiment d’un album qui montre tout l’étendu du talent d’auteur-compositeur de Kouna. Cependant, ce n’est pas pour autant que ce dernier ne se permettra pas quelques expérimentations. Le Travail ressemble à une chanson de marins à la Renaud, Momies nous confirme qu’il y a un disciple québécois de Tom Waits qui sommeille en lui et Requins rappelle le meilleur de Richard Desjardins. Cela dit, c’est sur Le narratif que Kouna vient le plus innover dans son son. Poème récité d’une main de maître sur une musique rock toute en montée qui rappelle des trucs expérimentaux comme le Speak White de Pierre Falardeau et Offenbach, cette pièce est probablement celle que les fans réécouteront le plus dans les prochaines années tant il y aura à dire sur le texte et sur la manière de le livrer. On sait que c’est improbable, mais on espère voir ça sur scène.

Quand je repense à cette danse
Après des années d’intérêts
En essayant de faire les comptes
En essayant de faire la paix
Avec ton corps éthéré
Tes cheveux rouges
Et ta taille espelette
T’avais l’air d’une pin-up
T’avais l’air d’une starlette
Avec tes aromates et ta robe à paillettes
Monarque
Dans ce local sale qui me servait d’hôtel

Le narratif

On comprendra qu’au niveau des textes Kouna est à son pinacle. Touchantes et originales, les lignes qu’il a couchés sur ce disque sont toutes très bien réfléchies et choisies. La plume unique à laquelle il nous a habitués au fil de sa carrière n’a rien perdue de sa superbe.

Bref, peut-être que certains trouveront le tout trop éclectique ou, dans certains cas, dérivatif, mais on ne peut enlever à Keith Kouna qu’il est pratiquement seul, actuellement, à opérer dans sa talle. À mi-chemin entre punk et chanteur à texte, entre country-folk et hard rock, entre poésie et comptines, on redécouvre avec Métastases un artiste qui a encore clairement beaucoup à dire et à offrir.

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