Critiques

Hot Garbage

Precious Dream

  • Mothland
  • 2024
  • 37 minutes
7,5

Quand je pense à l’étiquette montréalaise Mothland, un son particulier me vient immédiatement en tête. C’est très précisément un fuzz nappé de reverb, que l’on retrouve la plupart du temps chez la majorité des jeunes groupes de rock psychédélique ou adjacent qui sont la marque de commerce de l’étiquette. Grand bien leur en fasse parce qu’il n’y a certainement pas une autre maison de disques d’ici ayant un sens de l’esthétique sonore (et visuelle) si bien défini.

D’ailleurs, les torontois de Hot Garbage devraient selon moi être les mascottes officielles de la boîte avec qui ils ont sorti leur impressionnant premier album, intitulé RIDE. Ils répondent parfaitement aux critères d’embauche en tout cas. Pour l’anecdote, j’ai cru pendant un bref instant qu’un nouvel album du groupe anglais Ride s’appelait «Hot Garbage» en 2021. Grosse erreur même s’il existe certains points communs entre la musique de Alessandro Carlevaris et compagnie et les murs de guitares du shoegaze.

Si, au départ, je n’étais pas particulièrement charmé par l’album, le fait de voir le groupe au FME m’a fait changer mon fusil d’épaule et je suis retourné souvent écouter le meilleur doublé de l’album soit, Everything Stops et Soft as Gold. Sinon, je trouvais, du moins sur disque, que ce n’était pas encore tout à fait ça, malgré une qualité de réalisation impeccable (gracieuseté de Graham Walsh d’Holy Fuck). Le côté joyeux ou un peu trop «jam band psyché» de certains morceaux me faisait sourciller.

Quelques années plus tard, il me fait énormément plaisir de pouvoir écrire que le groupe a grandement amélioré la majorité des points qu’il devait retravailler pour avoir toute mon attention. Sur Precious Dream, les compositions sont plus punchées et resserrées et on y retrouve une bonne dose de folie nettement plus sombre que sur le premier effort. J’ai aimé ça dès la première écoute.

Ce 2e effort commence en force avec l’incroyable Snooze You Lose et son riff menaçant qui accroche immédiatement l’auditeur. J’y ai entendu une certaine démence semblable à celle qui exulte de Strange House, premier album des Anglais The Horrors. Quiconque connaît mon affection pour ce disque sait que c’est un compliment si une telle comparaison me sort de la gueule (ou du clavier).

Juliana Carlevaris prend ensuite le relais à la voix pour la tout aussi convaincante Look at my Phone et son petit beat surf crasseux qui nous mène directement à Lowering et son rythme hypnotique qui montre les dents et nous gave de salves d’écho et de claviers. À date, je passe un excellent moment et je savoure la belle évolution que nous propose le groupe, qui a encore fait appel aux services irréprochables de Graham Walsh.

C’est le premier simple de l’album qui enchaîne tout de suite après. Mystery a, elle aussi, un petit côté rétro post-punk à la The Horrors. C’est peut-être les claviers proéminents de Dylan Gamble mélangés au jeu de batterie frénétique de Mark Henein. Quoi qu’il en soit, c’est un bel ajout à la personnalité du groupe, qui arrive à créer son identité propre malgré ses influences plutôt évidentes. On a droit à un petit répit avec la planante Tunnel Traps. Je dis «planante», mais ce n’est pas dans le sens de «journée au soleil dans le parc». Non, c’est plus «planant» dans le sens de «j’ai peut-être pris une drogue de trop, mais je ne sais pas laquelle».

Sarabandit est sans conteste l’une de mes favorites du lot. Ça aurait potentiellement pu apparaître sur un b-side de Jesus and Mary Chain quarante ans plus tôt. Il s’en dégage une énergie à la fois mélancolique et cool et j’aime les voix juxtaposées d’Alex et Juliana Carlevaris. J’en veux plus!

Oh mais qu’entends-je? Un autre rythme super accrocheur prend nos oreilles en otage sur Blue Cat! Décidément, le groupe mérite pleinement ses galons de mothés.

J’ai été un peu moins séduit par Traveller/Caravan, mais il faut que tu saches que je n’ai que trois écoutes au compteur et je pense que ça va le faire avec le temps. C’est loin d’être mauvais, mais statistiquement, l’avant-dernière toune d’un album est pratiquement toujours une offrande aux dieux de l’indifférence. Surtout en cette ère de destruction massive de la capacité d’attention. En suivant ce raisonnement, c’est un bon choix de mettre une chanson longue et lente à cette position… Surtout que Erase my mind est une excellente conclusion.

En bref, les amateurs de post-punk psych aux forts accents shoegaze devraient apprécier grandement ce nouvel effort des Torontois. C’est une grande réussite des Carlevaris et leur bande, qui sont sur une réelle lancée, créativement parlant. Gageons que le prochain sera encore plus abouti.

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