Critiques

hildegard

Hildegard

  • Chivi Chivi
  • 2021
  • 29 minutes
7,5

Il s’agit à priori d’un mariage un peu incongru : à gauche, l’électro house aux accents techno d’Ouri; et à droite, l’indie folk introspectif d’Helena Deland. Réunies sous la bannière Hildegard, les deux Montréalaises lançaient récemment un premier album en duo, l’éponyme Hildegard, une fascinante odyssée en huit morceaux qui adopte le format du journal afin de nous entraîner dans leur processus créatif.

La méthode du journal créatif reste peu utilisée en musique, beaucoup moins en tout cas qu’en littérature, où des auteurs adoptent souvent le format du journal intime afin de documenter une période précise de leur existence. La pandémie semble toutefois avoir encouragé certains musiciens à recourir à cette méthode. L’an dernier, le leader des Mountain Goats, John Darnielle, faisait paraître l’album Songs for Pierre Chuvin, bouclé en une période de dix jours, à raison d’une chanson par jour.

Hildegard n’a pas été enregistré en temps de pandémie, mais a été créé dans un esprit similaire. Ainsi, en 2018, les deux musiciennes se sont retrouvées en studio avec le désir d’explorer les possibilités de la création spontanée, sans avoir défini de direction musicale à l’avance. En entrevue récente avec Le Devoir, Helena Deland a justement donné un aperçu de la façon très libre dont l’album a été conçu : « Souvent, le départ d’une composition était issu de la conversation qu’on venait d’avoir, sans qu’on ait décidé de manière très claire de ce dont on avait envie de raconter ».

Si Hildegard a été enregistré en seulement huit jours, sa sortie a été retardée pour de multiples raisons : les filles ont dû trouver une maison de disque, puis elles ont retenu les services de la designer graphique Melissa Matos pour concevoir le volet visuel du projet, ce qui a aussi entraîné des délais. Et c’est ainsi que ce premier disque du duo nous parvient trois ans plus tard, quoique l’attente en valait la peine.

Avec ses huit pièces qui portent les titres Jour 1, Jour 2, etc., Hildegard s’écoute en effet comme le récit de leur rencontre en studio, tandis qu’Ouri et Helena découvrent des façons de mettre en commun leurs visions musicales en apparence opposées. Ce qui impressionne le plus, c’est à quel point le projet de ne se résume pas à une mise en commun de leurs forces. En effet, on sent les deux musiciennes totalement en symbiose, comme si elles devenaient quelque chose de plus grand, ce qui tient peut-être à cet esprit de liberté qui caractérise le projet depuis ses débuts.

Tout cela ne signifie pas que les deux complices s’effacent derrière cette nouvelle entité qu’est Hildegard, dont le nom se veut une référence à Hildegard von Bingen, compositrice du Moyen-Âge, à la fois mystique et poétesse de génie. On reconnaît bien l’héritage techno d’Ouri dans la pulsation inquiétante de Jour 1, la plus dansante et la plus accrocheuse du lot. Sur Jour 3, c’est la voix d’Helena Deland qui retient l’attention, avec sa façon de chanter très près du micro qui s’approche un peu du ton de la confidence qui habitait son premier album en solo, l’excellent Someone New, paru l’an dernier. L’approche davantage improvisée d’Ouri est par ailleurs très perceptible sur Jour 5, qui déborde de sonorités inventives sur le plan des percussions, avec une basse lourde et dense, et ce qui a toutes les apparences d’une harpe.

Au final, les huit pièces qui composent Hildegard ont toutes un petit quelque chose d’unique qui les fait ressortir de l’ensemble, que ce soit au niveau de la production (l’expérimentale Jour 4, qui évoque Björk) ou de l’instrumentation (intrigante Jour 6, avec son piano désaccordé). À tout juste 29 minutes, on aurait pu souhaiter que le duo tente de pousser l’affaire un peu plus loin, tellement les possibilités offertes par leur collaboration apparaissent infinies. Il nous faudra attendre la suite…

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