Critiques

Baxter Dury

Prince of Tears

  • Heavenly Recordings
  • 2017
  • 29 minutes
8
Le meilleur de lca

Révélé en 2011 avec la sortie de l’excellent Happy Soup, le chic dandy britannique Baxter Dury est de retour avec son cinquième album, Prince of Tears, qui s’avère sans doute son plus sombre et pessimiste, même si le ton sarcastique des textes peut encore faire sourire. Né d’une grande peine d’amour, ce nouvel opus dévoile une pop minimaliste et grandiloquente, qui mélange le sublime et le banal.

« I don’t think you realize how successful I am? », clame Dury dès les premières secondes de la disco Miami, premier extrait de l’album révélé en août et qui ouvre le bal sur ce très court Prince of Tears (à peine 29 minutes…) Ce n’est pas le meilleur morceau du disque, loin de là, mais on y retrouve tout ce qui constitue l’ADN de Baxter Dury : une instrumentation simpliste, des chœurs féminins et cette dégaine de tombeur à la Gainsbourg, un peu pathétique dans son intonation. Ce n’est pas Dury qui chante (ou plutôt, qui parle…), mais un petit bandit qui se croit grand gangster, donnant naissance à un des multiples personnages sur cet album.

Il faut certes accepter ce deuxième degré, qui s’exprime par un niveau élevé de sarcasme et d’autodérision, pour entrer dans l’univers hétéroclite de Baxter Dury. Sur la surface, les chansons peuvent apparaître froides et cliniques, tellement elles sont livrées d’un ton ironique. Mais elles témoignent en même temps d’une grande sensibilité, et de beaucoup d’humour aussi, et Prince of Tears marque peut-être un sommet en carrière pour l’artiste de 45 ans, avec ses arrangements somptueux de cordes qui donnent une splendeur rarement vue dans sa musique.

Les moments forts sont nombreux : la mystérieuse Porcelain, portée par la voix de Rose Elinor Dougall et une ligne de basse digne des Flaming Lips; l’élégante Mungo, avec ses cordes romantiques; la punk-kitsch Letter Bomb, quasi enfantine, avec ses chœurs yé-yé; la touchante Wanna, sur laquelle Dury (où un de ses nombreux alter ego) se remémore ses erreurs du passé, tandis qu’une voix féminine lui souffle : « I wanna say something nice to you, but I don’t know how ». Mais c’est sur la pièce-titre, pleine de vulnérabilité, que le chanteur atteint un sommet, se permettant même un clin d’œil à Gainsbourg avec un motif de guitare emprunté à l’Histoire de Melody Nelson. Possiblement la meilleure chanson de Dury en carrière…

N’empêche qu’au final, ce sont les titres les plus lents et langoureux qui s’avèrent les plus réussis, parce qu’ils servent davantage l’esthétique de crooner un peu trash de Dury. Ainsi, on ressent un léger creux en milieu d’album avec l’enchaînement des guillerettes Listen et Almond Milk (celle-ci en duo avec Jason Williamson des Sleaford Mods). Malgré tout, Prince of Tears témoigne d’une belle cohérence qui faisait défaut sur le précédent, It’s a Pleasure, paru il y a trois ans.

Dans le passé, Baxter Dury a parfois donné l’impression d’avoir du mal à s’extirper de l’ombre de son paternel, le musicien Ian Dury (1942-2000), à qui l’on doit le célèbre Sex & Drugs & Rock & Roll, chanson enregistrée en 1977 avec son groupe The Blockheads. Mais sur Prince of Tears, il semble avoir trouvé sa voie, sans renier les éléments qui ont fait sa renommée. C’est charmant, repoussant, élégant, insolent, et même impertinent, à l’image de ce qu’on se fait d’un dandy…

MA NOTE: 8/10

Baxter Dury
Prince of Tears
Heavenly Recordings
29 minutes

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