Critiques

Black Country, New Road

Ants From Up There

  • 59 minutes
8
Le meilleur de lca

Associé au mouvement post-punk qui sévit depuis quelques années au Royaume-Uni, le septuor Black Country, New Road se démarque par une approche plus orchestrale de ce genre musical. Sur For the First Time, effort initial de la formation, on y décelait des influences de post-rock, de klezmer et même de free jazz. Malgré l’avalanche d’excellentes critiques qu’a obtenue ce long format, la complexité un peu ampoulée des chansons meublant ce premier album n’a pas conquis totalement l’auteur de ces lignes.

Enregistré tout au long de l’été 2021 au studio Chale Abbey situé sur l’Île de Wight, Black Country, New Road nous présente une nouvelle épopée créative intitulée Ants From Up There. Réalisé par le groupe lui-même, avec l’aide de l’ingénieur de son de la formation, Sergio Maschetzko, ce deuxième chapitre dans la courte carrière de ces jeunes Britanniques est nettement moins labyrinthique, et ce, malgré la présence de trois émouvantes pièces-fleuves en conclusion.

Le départ soudain du charismatique chanteur-guitariste Isaac Woods, quatre jours avant la sortie officielle de l’album, a chamboulé les plans de la formation. Dans une déclaration inusitée, Woods a justifié la fin de sa relation avec Black Country, New Road ainsi : « Bonjour à tous, j’ai une mauvaise nouvelle. Je me sens triste et effrayé à la fois. J’ai essayé de faire en sorte que cela ne soit pas réel, mais il s’agit de ce genre de sentiment de tristesse et de peur qui rend la pratique du chant et de la guitare difficile. Les membres du groupe sont les plus belles personnes que je connaisse, qui sont et ont toujours été merveilleuses de la façon la plus étincelante qui soit ». Le groupe a dû annuler tous les concerts prévus à son agenda en 2022. Ce retournement est fort regrettable, car Ants From Up There est absolument magnifique !

En pigeant dans l’indie rock orchestral, attisant ainsi la flamme jadis portée par Arcade Fire, et en intégrant des ascendants folk, pop et alternatif, Black Country, New Road met sa dextérité au service de chansons pourvoyeuses de frissons. Moins alambiquée que sur For the First Time, l’approche vocale sentie de Woods évoque les meilleurs moments de Win Butler (Arcade Fire), Jarvis Cocker (Pulp) et Neil Hannon (The Divine Comedy).

Ce sont les trois pièces conclusives qui vous convaincront de la réelle valeur de ce Ants From Up There. Dans The Place Where He Inserted The Blade, le piano un brin menaçant en introduction se transmute en une chanson hymnique. Dans Snow Globes, Isaac Woods est totalement émouvant pendant que la batterie déphasée de Charlie Wayne accentue la poignante intensité du chanteur et Basketball Shoes est un pur chef-d’œuvre de rock orchestral.

Ants From Up There porte principalement sur la détresse physique et émotionnelle qui s’empare des amoureux lorsqu’ils se quittent. Cette souffrance est superbement évoquée dans Concorde :

« Concorde, I miss you
Don’t text me ’til winter
I can hardly afford
A second summer of Splinters
This staircase, it leads only to

Some old pictures of you
Through a thousand-mile-long tube
Hey, what’s a city boy to do? »

– Concorde

Audacieux, tout en demeurant accessible, transporté par un Isaac Woods au sommet de son art, remettant au goût du jour le rock lyrique du début des années 2000, Ants From Up There est profondément touchant et juste assez complexe pour garder captif le mélomane exigent. Black Country, New Road concrétise tous les espoirs que la presse britannique avait mis en eux. Dommage que Woods ait décidé de quitter le navire…