Critiques

The Black Angels

Wilderness of Mirrors

  • Partisan Records
  • 2022
  • 58 minutes
7,5

Bien vivante depuis 2004, l’entité rock psyché / space-rock, originaire d’Austin, Texas, aime bien prendre son temps. The Black Angels a produit un micrototal de cinq albums en dix-sept années d’existence. Bien entendu, on est très loin du rythme de production effréné dispensé par la formation australienne King Gizzard and the Lizard Wizard, un exemple parmi tant d’autres…

Or, cette constance tranquille sert bien les Black Angels. Après un recul créatif lors de la parution d’Indigo Meadow (2013), la bande menée par Alex Maas nous présentait l’un de ses meilleurs albums en carrière, l’émouvant Death Song (2017); titre qui réfère à la chanson The Black Angel’s Death Song du Velvet Underground. Même si certains admirateurs du quintette ne jurent que par l’introductif Passover (2006), le 5e album des Texans vient se positionner aisément aux côtés de l’album qui a lancé la carrière du groupe.

The Black Angels est donc de retour avec un 6e album. Intitulé Wilderness of Mirrors, on retrouve la formation là où elle nous avait laissés avec Death Song — mélodiquement, du moins — mais avec un durcissement de ton que les adeptes de Passover ou Directions To See a Ghost (2008) sauront reconnaître et en estimer la valeur.

Inspirée par la « folie généralisée des dernières années », Maas explore de nouveau les thèmes qui lui sont chers : l’aliénation, la domination et l’urgence climatique, en tête de liste. Pour contrer cette débâcle écologique pointant à l’horizon, l’auteur lance un bouleversant appel à l’unité des forces progressistes du monde entier dans Without a Trace :

Is it possible

To be invincible

When everyone else is expandable

Is it possible

To be alarming

To be an army

– Without a Trace

Sur La Pared (Govt. Wall Blues), Maas s’attaque à tous ces diviseurs droitistes qui pullulent sur l’échiquier politique international en prenant comme exemple ce désormais légendaire mur « trumipiste » érigé à la frontière des États-Unis et du Mexique. Une autre convocation solennelle à la solidarité :

You can build this wall of hate

But we will never separate

– La Pared (Govt. Wall Blues)

En plus de cette force de frappe résolument rock évoquée précédemment, les Black Angels nous présentent aussi des moments sonores plus subtils et délicats. L’interprétation nuancée de Maas en conclusion de l’excellente The River est une véritable pourvoyeuse de frissons et 100 Flowers of Paracusia est la digne héritière du rock lysergique des Byrds et de Jefferson Airplane.

Firefly est également un hommage souriant à la pop française des années 60. À l’écoute de cette chanson, on ne peut s’empêcher de penser au super-groupe franco-américain L’Épée qui met en vedette les Limiñanas, Anton Newcombe (The Brian Jonestown Massacre) et l’actrice Emmanuelle Seigner. Coup de chapeau senti au refrain quasi punk entendu dans Empires Falling et au riff grinçant dans Icon.

Cela dit, cette heure agréable passée en compagnie des Black Angels manque un peu de mordant en fin de parcours. Des morceaux comme Here & Now, Vermillion Eyes et Suffocation sont un peu plus linéaires. Néanmoins, il n’y a pas à bouder son plaisir. Alex Maas et ses acolytes sont toujours aussi pertinents, musicalement et littérairement parlant, tout en demeurant en parfait équilibre entre les exigences de la modernité et le respect des traditions.

Près de 20 ans après leur apparition, les Black Angels commencent à peine à obtenir la considération qui leur est due. Voilà un groupe en parfaite maîtrise de son art qui se hisse parmi les plus importantes pointures du rock psychédélique contemporain.

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